Julian Lodge

Quand on entend le nom de famille Lodge, ce n’est pas à moi qu’on pense au premier abord mais plutôt à mon paternel, Warren Lodge, ou à son propre père avant lui, Byron Lodge. Un nom de famille qui a commencé à faire parler aux Etats-unis avant de s’étendre dans le monde entier. Les Lodge ne sont pas juste riches, ils sont milliardaires et même en décidant de fermer toutes les structures, il y en aurait pour des générations avant que les comptes en banque ne soient vides. L’industrie Lodge est spécialisée dans le secteur de la nouvelle technologie, aujourd’hui il en existe des centaines sur plusieurs secteurs : le mobilier, la sécurité, la médecine, l’armement… Au fil des années l’industrie s’est diversifiée, agrandie pour devenir indispensable au monde. L’ordinateur que vous utilisez a probablement été conçu dans la Lodge Industrie, la montre dernières fonctions que vous voulez offrir à votre femme vient sans doute aussi de chez nous. La Lodge Industrie a de nombreux partenariats, des banques, des firmes multinationales, le gouvernement également.

Quand on appartient à une famille pareille et qu’on se retrouve à être le seul héritier, forcément cela met beaucoup de pression sur les épaules. Etant jeune je ne désirais que les avantages en me moquant bien des inconvénients, je profitais de la richesse de ma famille pour avoir et faire tout ce que je désirais. J’étais ce fameux riche que tout le monde voulait avoir dans son réseau, que ce soit au lycée comme à l’université, celui qui organisait les meilleures fêtes et invitait tout le monde sans avoir à se soucier de quoi que ce soit. J’étais aussi celui qui enchaînait les conquêtes sans jamais éprouver de sentiments, comme dirait-on vulgairement, il s’agissait purement et simplement de plans cul sans lendemain. J’ai rarement couché deux fois avec la même personne et j’ai souvent oublié le prénom d’une de mes conquêtes. Voilà quel genre d’homme j’étais, et mon père m’a laissé faire durant longtemps, probablement parce qu’il fallait bien compenser l’absence d’un père toujours au travail et le décès d’une mère lorsque j’étais jeune.

En dehors des fêtes et des femmes j’avais une autre passion : la fabrication. J’imagine que c’est dans les gênes, les Lodge ne sont pas seulement à la tête d’une société, ils s’y connaissent aussi dans certaines structures, Byron se donnait pleinement dans l’évolution de la médecine, Warren de son côté était très investit dans l’armement. Quant à moi j’ai fabriqué mon premier robot à l’âge de huit ans, alors mon père a fait en sorte que je puisse continuer d’apprendre et me spécialiser dans la technologie. Arrivé à la fin de mes études supérieures, mon géniteur a voulu m’offrir un poste dans la société, ce que j’ai refusé. A partir de là a éclaté notre première véritable dispute, mon père avait du mal à accepter le fait que je ne travaille pas pour la société familiale et était prêt à me couper les vivres pour me faire changer d’avis, pour me faire devenir un homme et comprendre mes responsabilités.

Le lendemain j’ai quitté le cocon familial pour faire l’armée, affirmant qu’il n’y aurait sans doute pas mieux pour me transformer en homme puisque je ne l’étais pas assez à ses yeux. J’y reste de mes 26 ans jusqu’à mes 30 ans. La première année sert surtout d’entraînement pour me mettre en condition, les trois années suivantes je suis envoyé au front dans la guerre contre l’Afghanistan afin de lutter contre le terrorisme. Tous les mois mon père me passait ce fameux coup de téléphone pour s’assurer que je sois toujours en vie et me demander de changer d’avis, mais tous les mois je refusais de lui céder, je ne me doutais pas en revanche qu’il payait secrètement ma section pour protéger ma vie coûte que coûte.

Je reviens finalement sur le sol américain trois ans plus tard, des problèmes de santé qui l’exigent, on ne me considère pas en état pour continuer sur le terrain. Je mène dans le plus grand secret des examens pour savoir quelle maladie j’ai pu attraper là-bas et me guérir rapidement afin d’y retourner. Je ne m’attendais pas à ce qu’on m’annonce être atteint d’un cancer du poumon. Finalement je ne retournerais jamais sur le front. Mon paternel n’a jamais su pour mon cancer, autrement il aurait sûrement cherché à intervenir et faire de ma vie un enfer, il aurait probablement cherché à me marier également pour avoir un prochain descendant mais je n’ai jamais été le genre d’homme prêt à se caser. Alors non, il valait qu’il ne sache rien et il a continué de vouloir me voir poursuivre l’activité des Lodge, mais il a fait un compromis cette fois, il me proposait de travailler à la fois pour l’armée et pour Lodge, le tout étant utile pour aider le pays. C’est de cette façon que j’ai connu l’unité 101, que j’ai connu l’existence des surnaturels.

Autant dire qu’au départ j’étais assez désorienté avec tout cela, je n’avais pas envie d’y croire, pas envie d’œuvrer pour la destruction d’espèces cachées. Puis ils m’ont montré ces vidéos, celles où des humains se font massacrer par des vampires assoiffés de sang, celles où des loups enragés s’en prennent à de simples campeurs en forêt, celles où des sorcières mettent à feu et à sang des familles juste parce qu’elles le peuvent. J’ai vu toutes ces choses et j’ai voulu aider mon espèce à être plus forts, j’ai voulu apporter ma pierre au développement de l’humanité. Si mon père participait à la fabrication de nouvelles armes jamais vues sur le marché, de mon côté je me suis plutôt dirigé vers la robotique, des intelligences artificielles, des bras mécaniques avec armes intégrées, ce genre de choses. J’y travaille plusieurs années, faisant finalement la fierté de mon père.

C’est à l’âge de 33 ans qu’on m’annonce le décès de mon père qui n’est pas parti d’une mort naturelle, quelqu’un l’a fait assassiner, faisant de moi le dernier héritier encore vivant de la Lodge Industrie, mais vivant jusqu’à quand ? Malgré les soins apportés mon état ne s’améliore pas et à côté de cela j’ai de plus en plus de doutes envers l’unité que je crois responsable de la mort de mon paternel, d’autant que j’ai eu vent de leurs expériences sur ces surnaturels. Le doute s’immisce profondément en moi. Et si je travaillais pour les mauvaises personnes ? Il aura fallu qu’un vieux loup-garou solitaire me sauve la vie un soir pour me faire radicalement changer d’avis, pour me faire ouvrir les yeux sur toutes ces manipulations. Finalement il y a du bon et du mauvais dans toutes les espèces.

J’ai engagé le loup-garou qui m’a sauvé la vie pour être mon garde du corps, je lui ai même dit qu’il n’en aurait probablement que pour quelques années à me supporter avant d’être libéré. Ce que je ne lui dis pas en revanche, c’est que sur le papier il est l’héritier de ma fortune. Il faut bien quelqu’un à qui léguer tout cet argent après tout et qui de mieux que l’homme qui me permet d’être en vie quelques temps de plus ? A côté de cela il m’aura fallu plusieurs mois afin de couper tous les liens qu’il pouvait y avoir entre la Lodge Industrie et l’unité 101 mais j’y suis parvenu et disons-le clairement, ils ne voient pas les choses d’un bon œil. Si pour l’instant ils tentent encore de me faire changer d’avis, je sais qu’ils ont aussi prévu de me mettre une cible sur le dos et m’éliminer afin de ne plus être un obstacle pour eux. Ce qu’ils ne savent pas c’est que Logan, le loup à qui je compte tout léguer, refusera à coup sûr un partenariat avec eux et fera probablement tout pour les faire couler.

Terminons sur la dernière nouvelle du jour, les médecins viennent m’annoncer que mon cancer a évolué et que je n’en ai plus que pour trois mois à vivre. Trois mois… C’est à ce moment-là que je réalise que même la guerre ne nous prépare pas à la mort, là-bas on avait autant de chance de vivre que de mourir mais là, je suis condamné à ne pas m’en sortir. Avoir une estimation de sa propre mort est probablement le pire. Il n’y a que Logan qui est au courant de mon cancer, que lui qui sait qu’il ne m’en reste plus que pour trois mois. Ce que j’apprécie avec le loup, c’est qu’il n’est pas là à verser une larme en me disant qu’il est désolé pour moi, non Logan c’est celui qui va sortir un alcool fort et trinquer à la vie.

Trois mois, c’est le temps qu’il me reste pour profiter de la vie et régler des dernières affaires. Il y a une structure de la Lodge Industrie située proche de Londres qui attire particulièrement mon attention. Les chiffres ont été faussés, les ventes et le nombre de fabrication ne correspondent pas et je sais que cette société en particulier était étroitement liée à l’unité pour les ventes d’armes. Alors je propose à Logan de quitter le pays pour aller faire un tour à Londres et, fidèle à lui-même, il se contente de me dire qu’il espère qu’une anglaise sera mon remède miracle avant d’aller faire ses bagages.