Se maintenir en forme

 Se maintenir en forme

Daniel n’avait pas été d’accord avec le fait de quitter Londres, de parcourir le globe pour se rappeler au bon souvenir de quelques alliances mise en place par le père de Nikolaj. Il y avait trop à faire en ville, surtout après qu’Ethan ait survécu. Et puis il y avait Ariana, il lui avait promis de l’aider dans sa vengeance et devait déjà quitter Londres, ce n’était pas très juste pour elle. La condition de son départ c’était faite sur le fait qu’il voulait qu’elle vienne aussi, si elle le voulait bien. Impossible pour lui d’abandonner la louve dans une ville inconnue avec des loups qu’elle ne connaissait pas. Surtout après ce qu’elle venait de vivre. Ça avait quelque chose d’un peu perturbant de l’avoir aussi proche, Daniel a toujours été très silencieux sur son passé et son éducation. Là, il se retrouvait avec quelqu’un qui connaissait tout cet aspect de lui, elle savait qui il était. Ou ce qu’il avait été. Mais le voyage s’était bien passé, très bien même. Beaucoup de loups avaient répondu présents à l’appel et Ariana était parfaite. Blessée par son expérience mais parfaite.

Il avait pourtant été content de revenir enfin à Londres. La stratégie de Nikolaj qui consistait à l’envoyé le plus loin possible pour éviter les représailles avait pourtant été un échec. Il fallait bien s’y attendre, le clan Blackwood n’aurait pas lâché l’affaire. Lui ne l’aurait pas fait en tout cas. Le message était bien passé : on ne s’en prenait pas au bras droit des vampires sans subir au moins les mêmes conséquences. Il n’avait rien dit le loup, s’était contenté de se laisser soigner par Noah qui s’est trouvée de l’aide avec Ariana. Mais l’expérience laissait des marques psychologiques à défaut d’être visibles grâce à sa capacité à se régénérer. Cependant les blessures physiques n’étaient pas totalement remises quand la guerre a explosée, ce qui n’était pas une raison suffisante pour rester dans son coin. Il s’était battu, pour Nikolaj, pour sa meute, pour cette nouvelle famille constituée dans ce qu’il appelle sa deuxième vie et… Ariana était toujours là.

Puis il y avait eu des morts, trop de morts, à enterrer. Des blessés à soigner, d’autres qui continuent à l’être. Mais c’était plutôt le domaine de Noah, aidée cette fois par Jodie. Dans tout ce bordel, Daniel n’avait même pas eu le temps de féliciter comme il se doit Nikolaj et Jodie pour leur petite. Il était parti de Londres quand elle était enceinte, pour revenir et trouver deux filles dans le manoir Keegan. Ça avait de quoi surprendre mais le choix était compréhensible et bienvenu. Dommage que la période soit si sombre.

Comme à chaque fois qu’il a le temps, c’est sur la nouvelle cabane qu’il travaille. Hors de question de garder la dernière quand les vampires savent maintenant où la trouver. Les travaux ont bien avancé, c’est même vivable même s’il reste encore plein de choses à faire. Et c’est sur la salle de bain qu’il travaille aujourd’hui jusqu’à ce qu’un bruit dehors l’interpelle. C’est un raton laveur qu’il voit en sortant dehors et ça lui tire un soupir. Peut-être qu’il est un peu plus à cran que ce qu’il veut bien l’admettre. Ou peut-être pas… Parce que la seconde suivante c’est un couteau qu’il doit rattraper de justesse avant d’être balancé au sol. Pendant une fraction de seconde, il croit à une vraie attaque. C’est avec force qu’il arrête un poignet cherchant à planter un autre couteau au nouveau de son cou.

Jolis réflexes. La voix fait écho à cette odeur qu’il connait et, instinctivement, c’est son emprise sur son poignet qu’il desserre un peu sans la relâcher. Il retient ce grondement qui grandi dans le fond de sa gorge et cette envie de lui dire qu’elle ne devrait pas faire cela. Il s’en voudrait d’avoir les mauvais réflexes parce que le souvenir de son passage chez les vampires est encore trop présent. Il s’en veut déjà d’avoir serrer ce poignet un peu trop fort. Trop de réflexions qui lui vaut une entaille sur sa joue qui se referme aussi vite. Si ça n’avait pas été elle, la blessure aurait pu être plus importante. Mais si ça n’avait pas été elle, il aurait sûrement déjà riposté. « Toujours se méfier des femmes en général, même sans instrument. » Toujours se méfier de tout ou presque, c’est presque usant.

C’est le poignet d’Ariana qu’il relâche. En temps normal, il en aurait peut-être profité pour renverser la situation, pour mettre en place un entrainement improvisé. On n’est pas en temps normal. Il ne veut pas d’un entrainement quand il a besoin de se défouler et ce n’est clairement pas contre Ariana qu’il a envie de ne pas retenir ses coups. Sauf que tout cela, lui qui est toujours calme et réfléchi, il ne va pas le dire à la louve. « Ce n’est pas en restant dans cette position que tu vas m’aider à avancer les travaux. » Laisser penser qu’il préfère se focaliser sur ses travaux lui semble être une bien meilleure stratégie. « Parce que bon, ce n’est pas comme si j’avais le temps d’avancer autant que je ne le voudrais avec tout ce qui se passe. »

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Ne pas riposter ne convient pas à Ariana qui le fait bien comprendre d’un regard avant de se pousser. L’envie de s’excuser et lui donner quelques explications traverse l’esprit de Daniel avant qu’il ne se ravise et préfère se relever. Les travaux sont une bien meilleure excuse, du moins c’est ce qu’il pense jusqu’à ce qu’Ariana annonce le contraire. Est-ce que Daniel est habitué à un certain confort pour ne pas savoir se contenter de belles étoiles et de rivières ? Ce n’est pas le problème et elle doit très bien le savoir mais il faut bien fournir une réponse pour espérer se réfugier dans les travaux. « Finir ce que j’ai commencé, c’est ça qui me convient. » Cette cabane assez basique… Surtout cette guerre contre les vampires qui doit se terminer par leur extinction. Au moins, la cabane, il en voit le bout et sait qu’il pourra y mettre un terme. Pour le reste, autant être honnête, il commence à douter d’une fin à jour.

C’est dans cette petite maison qu’il commence à rentrer quand une branche est projetée contre son dos. Daniel se tourne vers Ariana pour lui lancer un regard avant de désigner le projectile, l’air de lui demander « sérieusement ? ». Pas besoin de prononcer le moindre mot, le regard est assez explicite et puis c’est elle qui parle la première pour demander à Daniel de la frapper. Laisse tomber Ariana. Toujours silencieux, Daniel lève les yeux au ciel en s’apprêtant à se tourner à nouveau avant qu’elle ne réitère sa demande. Frapper pour prouver qu’il sait encore riposter. « On sort d’une guerre Ariana. » Il n’est pas resté en retrait malgré les blessures encore présentes, il ne s’est pas défilé non plus quand il a fallu riposter. « Alors tu veux que je prouve quoi exactement ? » Qu’il lance en balançant les bras, le ton se faisant un peu plus rude qu’il ne le voudrait.

Ça fait combien de temps qu’il se bat au nom d’une cause pour l’église, pour ensuite le faire au nom d’une meute ? A bien y réfléchir, sa vie ne lui appartient pas réellement. On l’a recueilli uniquement pour en faire une arme au nom de Dieu et de la protection des humains. On l’a transformé parce qu’il semblait bien utile à une autre personne, mais pour la même guerre. C’est pour un potentiel qu’on s’est occupé de lui une première fois, pour la même chose qu’on lui a évité la mort. Il a souvent remis les décisions et les méthodes du Vatican en question sans pour autant défaillir quand on lui a demandé de faire quelques choses. Il n’a pas toujours été d’accord avec des décisions ou actions de Nikolaj mais n’a jamais fuit son rôle pour autant. Alors pour une fois. Une toute petite fois, est-ce que c’est trop demandé de le lâcher un peu avec cette guerre et ces entrainements et de le laisser s’occuper de ses travaux ?

« Si tu as envie d’entrainements à longueur de journée alors très bien ! » Il pointe la direction de la ville d’un vague signe de main. « Va trouver Freya, je suis certain que tu trouveras assez de répondant. » Surtout en ce moment où la Frates à fait la chose la plus débile qu’il soit pour s’enlever tout ce qui fait de l’homme un humain. C’est ça qu’il n’a jamais vraiment accepté chez les Frates qui ont tout fait pour faire de ses agents des machines, en leur interdisant trop de rapprochements et tous sentiments. Soi-disant que ça les rend moins efficaces sur le terrain. Ils ont peut-être raison dans certaines circonstances, il y a des fois où ce serait plus simple de n’être qu’un objet qui ne réfléchit pas, qui ne pense pas et qui ne ressent pas. Mais, dans le fond, c’est encore plus mauvais. Là, c’est bon, il en a marre. Il ne rend pas les armes, il ne va pas cesser le combat auprès de Nikolaj. Mais juste pour cette fois, il veut penser à lui et ne pas être l’objet qui défend une cause.

« Mais là, Ariana, je veux seulement pouvoir finir mes travaux. » Oui, il se défile face à un entrainement mais il estime en avoir le droit. Encore plus quand beaucoup de choses sont gardées et qu’il n’est plus aussi certain que cela de garder son sang-froid, surtout si son loup prend le dessus. Ariana est une très bonne combattante, il ne met même pas cette donnée en doute. Cependant si ça dégénère, s’il ne se contrôle plus, Ariana ne se laissera pas tuer mais elle ne le tuera pas non plus pour l’arrêter. Ça signifie que, à un moment où à un autre, elle retiendra ses coups et c’est là que lui risque de la blesser. Il y a des choses qu’il n’a pas envie d’avoir sur la conscience. Et puis, il faut aussi prendre en compte qu’il a accepté son loup depuis un peu plus longtemps qu’elle et c’est forcément une donnée à prendre en compte. Bref, hors de question de la frapper. « Balance autant de branches que tu veux, déforeste même cet endroit si ça te chante… Mais je ne te frapperai pas ! »

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Si ce n’est pas pour elle qu’Ariana insiste, autant cesser de le faire dès à présent. Il ne battra pas avec elle, pas pour un entrainement, pas pour prouver quoique ce soit, et encore moins pour se défouler. Pas sûr elle. La Frates devenue louve change de méthode, elle abandonne pour s’occuper des travaux en entrant dans la cabane. Daniel reste un peu pantois devant sa porte, septique aussi sur ce retournement de situation trop facile. Ariana n’est pas le genre à baisser les bras et ça le rend un peu suspicieux sur ce qu’elle peut avoir derrière la tête. Maintenant qu’il vient d’affirmer qu’il voulait finir ses travaux, il se voit assez mal expliquer le contraire juste parce qu’il trouve la situation étrange. Ok. Elle veut aider, autant en profiter et arrêter de se poser des questions. Par expérience, Daniel commence à comprendre que ce n’est pas une bonne chose de trop s’en poser. Pas étonnant que les Frates fassent en sorte que leurs agents agissent sans réfléchir.

Elle s’occupe de la tuyauterie, elle s’équipe même sans rien demander sachant très bien ce qu’elle doit faire. Il y a un tas de choses qu’il a loupé avec elle, sur ce qu’elle est devenue, ce qu’elle a appris à faire et ce qu’elle a pu vivre exactement. J’ai eu une autre vie avant de te rencontrer. La vraie question est de savoir combien de vies ils ont eu en réalité. Une première avant les Frates, même si elle a été courte. Une deuxième quand les entrainements et le conditionnement ont commencés. Une troisième au moment des missions, quand ils sont devenus des Frates à part entière. S’en suit la quatrième, celle qui aurait dû signer leur mort mais qui les a vu y échapper en devenant des loups. L’acceptation de cette condition nouvelle, de cette renaissance en surnaturel, est probablement une forme de cinquième vie alors que, maintenant, c’est la sixième qui commence. Elle et lui, ils ont le même parcours, le même nombre de vies bien que les chapitre s’écrivent différemment à l’intérieur de celles-ci.

Lui était envoyé sur des missions plus ou moins courtes quand, de son côté, Ariana a été envoyé un long moment dans un endroit. L’Amazonie, première fois qu’elle en parle un peu, qu’elle explique ce qu’elle a dû bâtir et recommencer encore et encore pour protéger des gens des vampires. Un combat sans fin qu’elle ne pouvait pas abandonner. Et il ne sait pas si elle parle seulement de son expérience ou s’il y a un message caché derrière ses mots. Il n’abandonne pas, il prend seulement quelques heures pour lui. C’est différent. Enfin, il croit que ça l’est. Daniel ne répond pas, il écoute tout en se concentrant sur un meuble à assembler qui viendra accueillir le lavabo un peu plus tard. C’est un geste qu’il interrompt une petite seconde quand elle évoque Tyler, qu’elle en parle au passé. Il en est désolé, tout en évitant de le dire. Un binôme chez les Frates c’est… C’est un tout, celui à qui on fait confiance les yeux fermés, celui à qui on remet notre vie par cette confiance, celui qui partage un bon bout de chemin. Il est celui qui voit tout, qui sait tout, parce qu’on passe bien trop de temps avec lui. Un binôme c’est sûrement la personne la plus importante dans une vie de Frates… ça perdure encore après.

Daniel comprend surtout que si elle vient à parler de cette relation, c’est surtout pour expliquer qu’elle ne sait pas comment s’y prendre avec lui. Elle ne demande même pas à avoir la même compréhension que Freya, elle voudrait même bien lui ramener son binôme juste pour s’assurer qu’il puisse avoir quelqu’un à qui parler. Même si ce n’est pas elle. « Freya a fait ses choix. » ça ne veut pas dire qu’il les accepte et qu’il va rester les bras croisés. C’est seulement un peu compliqué pour lui d’aller la voir maintenant alors qu’il est le premier à régler quelques soucis. Mais il est hors de question qu’il la laisse tomber de toute façon. « Et arrête de t’inquiéter tout le temps pour moi. Je vais bien. » Ou aussi bien qu’il le peut en vue des derniers évènements. « Je ne suis pas en train d’abandonner, je veux juste… »

Il relâche le tournevis qu’il avait dans les mains et se redresse avant de filer un petit coup de pied dans la chaussure d’Ariana pour qu’elle lâche la tuyauterie. « Viens avec moi. » C’est sa main qu’il tend en direction de la louve pour l’entrainer avec lui à l’extérieur de la cabane, ou de simplement l’inviter à la suivre si elle refuse cette main. Il s’éloigne un peu de la porte d’entrée avant de les faire se retourner pour avoir une vue d’ensemble sur la construction. « Je m’en fiche d’avoir un lieu à moi, ce n’est pas ce qui est important. Ce qui l’est en revanche c’est que tout le temps passé à faire quelque chose ici, c’est le mien. Je ne le fais pas parce qu’il répond à une demande ou à un besoin de quelqu’un d’autre. Je le fais parce que c’est moi qui veux le faire. » Et dans leur vie, c’est quand même une sacrée différence à prendre en compte. « Ce n’est pas un foyer douillet que je fais ici, c’est seulement la preuve dont j’ai besoin pour savoir que je peux aussi avoir mes propres envies et que je peux les suivre. » Il hausse les épaules. « Ça ne veut pas dire que je me perds, ça veut dire que je cherche à me trouver. »

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Comment… Comment ils sont passés d’une provocation pour un entrainement de la part d’Ariana, à un commencement de travaux, pour finir sur les lèvres de la louve contre celles de Daniel ?

Sans la repousser, il reste interdit. Bloqué. Figé dans une action qui le dépasse et qu’il ne comprend pas. Il a beau y réfléchir, Daniel ne pense pas qu’il y avait de signes avant-coureurs et qu’il aurait pu prévoir l’action d’Ariana. Il a seulement parlé de sa cabane, de ce qu’elle représentait et… Boom, il se retrouve à goûter les lèvres de la louve. C’est homologué comme méthode ça ? Daniel reste un homme de croyance, un peu arriéré sur certaines choses surtout en termes de relation entre deux personnes. L’ancienne école, celle où tout doit se faire dans un ordre précis en étant certain de ses choix et non pas en répondant à une pulsion.

C’est perturbant parce que, en réalité, il sait qu’il doit la repousser. C’est ce qu’il convient de faire. Ariana, après tout ce qu’elle vient de vivre, n’est pas dans son état le plus normal. Ça donne à Daniel l’impression de profiter d’une situation, même si ce n’est pas lui qui l’a provoqué. Il est quelqu’un de bien. Du moins, il essaie de l’être le plus possible selon ses propres critères. Et s’il est cette personne alors pourquoi diable n’était-il pas en train de la reculer doucement ? Ce serait tellement facile de mettre tout ça sur le compte de son loup, d’un tempérament un peu plus impulsif qui n’a pas toujours envie de s’encombrer d’une bonne morale. Elle lui plait, c’est une certitude. Daniel s’efforce seulement de penser et de croire qu’elle lui plait comme la petite gamine de l’époque, celle qui vient du même endroit que lui et qui appartient à la famille de Freya. Et s’efforcer de rester sur cette pensée est un travail de longue haleine qui demande beaucoup de rigueur. Ce qu’Ariana vient de faire exploser en mille morceau avec cet acte venu de nulle part.

Dieu merci, elle rompt le contact alors qu’il reste toujours comme un con à se demander ce qui vient de se passer. Elle répondait seulement à une envie. Quoi ? Attendez… Tout ça, c’est seulement à cause de ce qu’il vient de dire ? Pas étonnant qu’il préfère se taire, ça apporte bien moins d’interrogations ! Et puis elle répondait à quoi comme envie d’abord : celle de braver un interdit ou celle de l’embrasser lui ? Daniel va se contenter de penser que c’est la première option, qu’elle aurait fait la même chose avec quelqu’un d’autre dans des circonstances similaires. Oui voilà, c’est mieux. Lui n’est pas visé directement, il s’est seulement trouvé présent à cet instant où elle a décidé de répondre à une envie. C’est bien plus simple de se tourner vers cette explication. Elle a fait quelque chose de normal pour les autres. Ce n’est que cela, il n’y a rien d’autre à comprendre. Il hoche la tête pour dire qu’il comprend, c’est mieux que de parler et prouver l’inverse.

Elle est drôle quand elle annonce espérer qu’il trouve ses réponses. C’est même un sourire des plus sceptique, un poil nerveux aussi, qu’il laisse passer. Ce n’est pas avec ce qu’elle vient de faire qu’il risque de trouver des réponses. Dommage qu’il ne puisse pas se mettre une grosse tarte dans la tête pour aider ses idées à se remettre en place, ça l’aiderait bien mais il passerait pour un fou. Donc. Faire comme si tout était normal. Le regard de Daniel revient sur la baraque en construction, essaie de faire l’impasse sur ce qui vient de se passer pour reprendre le cours de leur conversation. Tout est normal. Tout va bien se passer.

L’avantage avec Ariana, c’est qu’elle passe bien vite à autre chose. Normal, elle ne répondait qu’à un interdit. Rien de plus. Il retrouve son sérieux et ses facultés quand elle aborde un sujet, celui de sa vengeance. Ça lui fait peur, surtout pour après alors qu’elle estime ne rien avoir à quoi se rattacher par la suite. Elle place aussi un peu trop de confiance en Daniel quand elle lui rappelle qui il est et que cela suffit à ce qu’il trouve sa voie. Oui, il est Daniel Moretti, celui qui ne sait même plus quoi penser à cause d’un baiser. Bravo ! Autant se concentrer sur ce qu’il sait faire.

« Je n’ai jamais cru que la vengeance soit une solution. » Il en avait déjà discuté avec Freya alors qu’elle s’acharnait à se mettre en danger pour retrouver celui qui est responsable de la mort de ses parents. « Je crois qu’il n’y a rien après, pas même un sentiment de soulagement. » Vouloir faire quelque chose par vengeance n’est pas, selon lui, un bon moteur pour agir. « Si tu veux vraiment que ça t’apporte quelque chose, c’est d’autres motivations qu’il faut se trouver. » Il a été le premier à penser qu’il voulait la fin de la meute à laquelle Ariana appartenait. Par vengeance d’abord, parce qu’il ne fallait surtout pas toucher à elle. Sentiment qui s’est un peu apaiser en y réfléchissant bien. Il ne tolère toujours pas ce qui a été fait à Ariana, mais il se concentre surtout sur le fait qu’il convient d’éviter tout ça à d’autres personnes. Ça donne au moins l’impression de faire quelque chose d’utile.

« Là, tu es focalisée dessus. » Ce qui n’est dit avec aucune critique parce que c’est compréhensible en plus d’être normal. « Mais après… Après tu verrais qu’il y a tout un tas d’autres choses et de personnes à qui se rattacher. » d’autres causes, d’autres envies, sa cousine, … Lui ? « En attendant, j’ai des travaux qui ne vont pas se finir tous seuls. Alors au boulot ! » Et il la pousse légèrement en avant pour qu’elle commence à avancer vers la maison. Ce n’est que quand elle est avancée de quelques pas, qu’elle est dos à lui qu’il se permet de fermer un instant les yeux dans une inspiration. Quel bordel ! Daniel s’ordonne d’arrêter de réfléchir et d’avancer pour se focaliser sur le travail à faire.

Arrêter de réfléchir est sûrement l’idée la plus stupide de toute sa vie. Elle est là, à avancer devant lui, et le loup de Daniel crie à la stupidité. La bienséance c’est bien… Mais pas toujours. L’impulsivité, répondre à des envies sans trop y réfléchir, ça peut-être bien aussi. Daniel ne se voit même pas accélérer quelques pas pour venir attraper le bras d’Ariana avant de la faire pivoter vers lui. Il ne réfléchit même plus quand il passe une main sur la nuque de la louve pour l’attirer et venir l’embrasser. Vraiment. Il n’y a aucun interdit qu’il brave dans ce geste. Ce n’est que la réponse à une envie, parce que c’est elle, parce qu’elle n’est plus simplement la gamine de son souvenir.