L'arrivée qui tombe à pic

L'arrivée qui tombe à pic

La brise froide d’octobre souffle dans ma nuque sans que cela ne me fasse broncher, remercions le conditionnement corporelle du vampire qui s’adapte parfaitement à la température ambiante comme le font les cadavres. J’observe la ville depuis le toit du Ruby Palace avec une certaine amertume, autrefois les rues de Londres étaient bondées et revigorantes, désormais il n’y a plus que des voitures de militaires qui circulent dans les rues et les seuls passants se trouvent être également des soldats, à moins qu’il ne s’agisse de quelques petits rebelles du système qui viendraient tenter leur chance. Ce couvre-feu instauré est en train de faire faillir tout le commerce londonien, en train de faire fuir tout le tourisme et même les plus fidèles habitants. Le monde entier veut fuir Londres à présent et je ne peux pas laisser les choses se poursuivre de cette façon. Je ne laisserais pas l’Etat détruire ma ville natale, encore moins me priver de me ma liberté à cause de leurs règles minables.

J’attends que le camion ait terminé sa ronde avant de me lancer du toit, atterrissant sur le bitume avec souplesse. Je n’ai qu’une quinzaine de minutes avant le prochain tour de ronde mais ce sera largement suffisant pour quitter les lieux et dans le pire des cas il y aura des morts supplémentaires à comptabiliser du côté des militaires. Il paraît que Bastian fait beaucoup de dégâts ces derniers temps mais très franchement j’attends impatiemment le jour où il tombera sur plus fort que lui et se fera embarquer par ces hommes. Mais ce soir il semblerait que ce soit à ma porte que les problèmes aient décidé de toquer. Ces hommes guettaient probablement le moment où je quitterais l’hôtel pour m’attaquer et ce sont trois misérables fratres qui m’encerclent.

« Ethan Rice, on dirait que tu seras le premier de ta fratrie à tomber. » On dirait ? Peut-être que c’était Abigaël qu’ils attendaient tout compte fait, j’en serais presque vexé. « Je ne suis pas facilement tuable vous savez, bien d’autres ont échoué avant vous. » Je gagne du temps et en profite pour observer un peu mieux ma situation, trois fratres contre un seul vampire, ce n’est franchement pas une bonne situation. C’est celui de gauche qui attire mon attention en éclatant de rire. « Vraiment ? On a entendu dire que tu étais devenu pathétique depuis la guerre, même les vampires ne te respecteraient plus. » C’est sur lui que mon regard reste fixé alors que je n’affiche aucune émotion. S’il souhaitait me faire perdre mon sang froid il devra y mettre un peu plus de cœur. « Je vous proposerais bien de venir vérifier par vous-même, mais le simple fait de venir à trois pour m’affronter prouve bien que vous ne croyez pas non plus à ces rumeurs. A moins que vous n’ayez peur d’un pathétique vampire. » Toujours frapper l’égo d’un homme, cela peut sauver de biens des situations.

Celui de gauche avance d’un pas avant de se faire arrêter par son coéquipier. Allons ne jouez pas les raisonnables, je vous mets au défi, venez donc me prouver ce que vous valez. « Laissez-le moi, je vais lui arracher les tripes tout seul, on s’amusera à les envoyer au reste de la fratrie. » C’est un sourire qui traverse mes lèvres face à ces mots. « Quelle originalité, je suis certain que mon frère appréciera le fait d’inspirer des fratres. » C’est après tout Hayden qui s’est amusé à dépecer deux Alphas pour faire passer un message aux autres meutes. L’art de manier les mots peut être utile dans certaines situations, c’est le cas ici à partir du moment où seul l’homme provoqué s’élance sur moi tandis que les deux autres restent en retrait pour l’instant. Et le combat débute lorsque le fratre donne le premier coup que j’esquive habilement. S’il est un ennemi à la hauteur, il reste tout de même bien moins impressionnable que d’autres fratres qui auront eu l’occasion de croiser ma route.

J’attends une ouverture, une seule avant de venir frapper fort. Je sais que si je me rate je suis un homme mort, je sais que si je le tue je suis un homme mort également, les deux autres me tomberont dessus. Voilà comment je me retrouve à faire de cet homme mon otage, ma main enfoncée dans sa cage thoracique agrippant son cœur, c’est au même instant que deux canons sont pointées vers moi. « Tirez et c’est un homme mort, j’aurais le temps de lui arracher le cœur avant que la balle ne m’atteigne. » Si je ne nous fais reculer d’un pas, les deux autres n’en démordent pas pour autant et avance d’un pas de leur côté. « On ne te laissera pas fuir, les Rice commettent bien trop de dégâts pour qu’on passe à côté de cette occasion. » Finalement ce n’était peut-être pas Abigaël ni moi qu’ils voulaient mais Bastian, après tout il est bien le seul de la fratrie à faire autant parler de lui depuis la fin de la guerre, nous autres sommes plutôt restés discret. Cela dit ce n’est pas Bastian qu’ils auraient trouvé au Ruby Palace alors pourquoi attendre ici ? « Il va falloir faire un sacrifice, lui ou moi. » Soit ils sacrifient leur collègue, soit ils sacrifient leur chance de m’avoir. En tant que fratre ils devraient forcément choisir de sauver une vie en priorité, non ? Il faut croire que les mœurs des fratres ont changé, car c’est sur la détente que l’un d’entre eux s’apprête à appuyer.

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Ethan Rice - Hayden Rice

Londres a bien changé ces dernières semaines, d’une manière qui est loin de nous être favorable. La guerre a annoncé le début d’une nouvelle ère, pour les surnaturels comme pour les humains. En tant que vampires, il nous faut agir vite si nous voulons leur survivre à tous. Si les loups et les Fratres demeuraient nos principaux ennemis jusqu’à présent, voilà que le gouvernement commence également à constituer une menace qui n’est pas à prendre à la légère. Le poison qui est tombé entre les mains des loups, les Fratres et les loups qui se sont alliés et maintenant ces mystérieux soldats qui tentent de nous capturer avec des armes de pointe, il est grand temps de remettre un peu d’ordre dans tout cela. Je pousse un long soupir de réflexion tandis que l’un des hommes d’Adrian se tient devant moi. J’attrape un stylo plume et réfléchit encore quelques instants, avant de commencer à écrire.

« Cher ami, je suis au regret de confirmer la véracité des informations communiquées par tes hommes. La situation à Londres se détériore depuis la guerre. Si le poison n’est désormais plus un problème, l’alliance entre les loups et les Fratres nous a fragilisé. Les humains quant à eux pensent avoir le contrôle de la ville mais c’est leur gouvernement qui me préoccupe. J’ai vu agir leurs créatures mi-loup mi-vampire de mes propres yeux. Elles sont dotées d’une force qui menacerait même le plus puissant des vampires. Néanmoins, mes recherches de ces derniers mois ont enfin abouties. Je l’ai trouvée dans un petit village dans le Nord de la France. « Elle » est l’arme qui les conduira à leur perte. Je repars aussitôt pour Londres. Salutations. H. Rice »

Je repose ma plume, mets ma lettre dans une enveloppe que je referme avant de la remettre au messager qui la portera à Adrian. Je n’ai pas besoin de lui rappeler que cette lettre a intérêt à ne tomber qu’entre les mains d’Adrian et que personne d’autre hormis ce-dernier n’est autorisé à l’ouvrir. Après tout, les hommes d’Adrian savent mieux que personne ce qui les attend en cas de désobéissance ou même de simple faute. Le vampire s’éclipse de la pièce et quitte la villa dans laquelle je me suis installé le temps de mes recherches. Je me dirige vers la pièce d’à côté et ouvre une porte qui me conduit droit vers un grand salon où une jeune femme attend, à moitié recroquevillée sur le canapé de la pièce, la tête contre ses genoux. Deux cadavres humains gisent sur le sol près d’elle, les mains appuyées contre leur tête, semblant avoir rendu leur dernier soupir en se tordant de douleur. Je m’avance doucement vers elle avant de tendre une main dans sa direction qui se veut tout à fait amicale.

« Navré de t’avoir fait attendre. Nous allons pouvoir partir. Tu as ma parole, personne ne te fera de mal tant que tu seras sous ma protection. »

La main de la jeune femme se referme contre la mienne tandis que j’aperçois brièvement son regard qu’elle relève dans ma direction. Certains de mes hommes sont effrayés par elle, par son pouvoir... Mais elle ne fera de mal que si elle se sent menacée. Nous quittons la villa en pleine nuit et montons dans une voiture nous conduisant à un jet privé, prêt à décoller. Le temps de vol sera court, à peine plus d’une heure, ce qui nous permettra de rentrer largement avant l’aube. Le jet décolle enfin.

Mon regard se fait quelque peu vague tandis que j’observe le ciel à travers le hublot. Voilà près d’un mois que j’ai quitté Londres, peu de temps après la fin de la guerre qui a plongé la ville dans une situation on ne peut plus critique. Ce qui m’ennuie le plus, c’est d’avoir dû partir dans la précipitation avant d’avoir eu le temps d’avoir une réelle discussion avec Ethan et Abigaël. Si les choses se sont quelques peu tassées avec Ethan durant la guerre, je sais que mon frère a néanmoins beaucoup souffert suite au départ d’Hannah. Mes hommes n’ont jamais cessé de garder un œil sur lui, et le fait qu’il ait été au plus bas a fini par se savoir. Puisses-tu me pardonner de n’avoir pu être présent plus tôt. Mais je te promets mon frère que mon départ n’aura pas été vain. Quant à Abigaël, elle ne m’a plus adressé un seul mot depuis le jour où je lui ai révélé la vérité. Cela m’ennuie d’autant plus que notre demi-frère est lui aussi revenu à Londres et que j’ai encore moins confiance en lui qu’au reste de mes hommes. Mais ce que je devais faire ne pouvait pas attendre car une fois localisée, c’était une véritable course contre la montre. Plus de deux semaines pour parvenir à la trouver et près d’une semaine pour réussir à la calmer et à la rassurer avant de pouvoir à nouveau voyager. Si j’étais arrivé une demi-journée plus tard, elle serait parvenue à me filer entre les doigts...

« Quelque chose te tracasse, Hayden. »

Ce n’est pas une question, c’est une affirmation. Mon regard se tourne vers la femme assise face à moi et c’est un sourire détendu qui s’affiche sur mes lèvres.

« En effet. Il y a certaines choses que j’ai laissé derrière moi en quittant Londres précipitamment. Il va falloir que je les répare. »

Notre Jet atterrit directement dans le Centre de Londres. Nous arrivons à mes appartements et je laisse la jeune femme aux soins de mes hommes, leur précisant bien de lui accorder le meilleur traitement de faveur jusqu’à ce que je sois revenu. Mon second me rejoint rapidement lorsque je lui demande où se trouve Ethan. Voilà bien trop longtemps que je n’ai pas vu mon frère et il me faut lui parler. Mon second m’indique le Ruby Palace et c’est sur ces mots que je m’éclipse en vitesse dans cette même direction. Arrivé devant les portes du Ruby Palace, je ne sens aucune présence à l’intérieur de l’établissement et n’entends aucun bruit. En revanche, c’est à seulement quelques mètres du Ruby Palace que la présence de plusieurs personnes attire mon attention. Je tends l’oreille attentivement afin d’avoir une idée de la situation ainsi que des personnes présentes. Quatre... Dont au moins trois humains. C’est le nombre de personnes que je parviens à déceler au bruit de leurs pas, de leur respiration et à l’odeur alléchante de leur sang. La première voix que j’entends m’est complètement étrangère, néanmoins c’est le nom des Rice qui est prononcé, ce qui signifie que l’un des membres de ma famille est également présent. J’en ai rapidement la confirmation au moment où Ethan prend la parole et parle de faire un sacrifice, lui ou une autre personne. Mon frère est en danger. Fratres ou membres du gouvernement ? Je n’attendrai pas de le savoir car le cran de sûreté d’un pistolet vient d’être levé. A vitesse vampirique je me dirige en moins d’une seconde vers la personne s’apprêtant à appuyer sur la gâchette avant de plonger ma main à travers son dos pour la ressortir avec son cœur resté accroché. J’ai peut-être pu bénéficier de l’effet de surprise sur celui-là, ce ne sera pas le cas pour le second. Dans le même temps, Ethan achève l’homme qu’il tenait entre ses mains comme moyen de pression. Du coup il n’en reste plus qu’un, voilà qui est parfait. Ces hommes ne sont pas habillés en noir contrairement à ceux que j’ai eu l’occasion de voir sur le terrain la dernière fois. Il y a donc de fortes chances qu’il s’agisse de Fratres. Je laisse retomber le cœur de ma victime sur le sol tandis que je sors un mouchoir blanc de la poche intérieure de ma veste mais n’essuie pas tout de suite ma main. Ethan et moi échangeons un bref regard plus ou moins amusé, avant de nous tourner vers le dernier Fratres qui se retrouve désormais seul entre nous. C’est non pas un mais deux sourires malsains qu’il peut voir l’observer. A cet instant, il comprend très probablement qu’il est en train de vivre ses derniers instants.

« Il semblerait que les Fratres aient besoin d’un rappel... Ne t’en fait pas, nous leur ferons parvenir une corbeille avec les meilleures parties de vos corps, ainsi réfléchiront-ils à deux fois avant de venir s’en prendre à un Rice. »

Certains qualifieraient la volonté des Fratres admirable, d’autres diraient qu’ils sont complètement inconscients. En tous cas une chose est sûre, ces-derniers ne renoncent jamais sans se battre. L’homme face à nous a beau savoir qu’il est condamné et complètement désavantagé, il donne néanmoins tout ce qu’il a pour nous attaquer et il a en effet encore du mordant. Mais un Fratres contre Ethan et moi ne fait pas le poids. Alors qu’il tente de dégainer une arme, Ethan et moi saisissons chacun de ses bras et c’est un hurlement qui vient se faire entendre à travers tout le quartier au moment où nous lui brisons en même temps les deux bras... Un hurlement que j’aurais pris plaisir à continuer d’entendre si Ethan ne venait pas d’achever le Fratres en le faisant taire définitivement. Un nouveau détail dont il va falloir que je m’accommode rapidement : le fait que les patrouilles arpentent chaque rue, et le cri de cet homme les a probablement alertés. Je me tourne vers Ethan et n’attend pas plus longtemps pour une accolade fraternelle. Il y a bien longtemps que je voulais faire cela, depuis le jour où il a éteint sa part d’émotion... Depuis le jour où nous avons tous deux failli nous entretuer. Mais la guerre qui a suivi ne nous a même pas laissé le temps de pouvoir échanger convenablement depuis le jour où Hannah a brisé le sort qui nous reliait.

« Aucun mot ne suffirait à exprimer à quel point je suis désolé, pour tout ce qu’il s’est passé. »

Ethan et Abigaël sont les deux seules et uniques personnes qui comptent. En tant qu’aîné actuel de la famille, j’ai failli à ma mission qui consistait à les protéger de tout danger. Néanmoins, si on ne peut pas revenir en arrière, c’est désormais bel et bien sur l’avant que je me concentre afin de ne plus jamais faillir à nouveau.  

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Le suspense est à son comble, il y aura forcément au moins un mort ce soir mais lequel ? Tic-tac… Le fratre active le cran de sûreté et je sais que je dois agir vite, car visiblement ils n’ont aucun mal avec l’idée de sacrifier l’un des leurs pour avoir un vampire, ou du moins pour avoir un Rice. Sauf que ce n’est pas moi qui réagis en premier, une autre présence nous a rejoints. Hayden nous a rejoints. Alors toi aussi tu as décidé de faire ton grand retour en ville mon frère. Tu n’as jamais expliqué la raison de ton départ, mais je n’ai pas le temps de me poser de questions, pour l’heure je dois agir. C’est le cœur qui se trouve entre mes doigts que j’écrase avant de laisser le cadavre s’écrouler à mes pieds. Passer de trois fratres contre un vampire à deux vampires contre un fratre, c’est ce que j’appelle un retournement de situation. C’est le regard de notre ennemi que je viens croiser, il est hors de question que ce dernier reparte vivant, je ne fais pas dans la charité, surtout il s’agit de membres de leur espèce.

« Oh tu peux le croire sur parole, mon frère est doué pour fabriquer de telles corbeilles. »

Les loups peuvent en témoigner, il est d’ailleurs bien dommage de ne pas avoir pu obtenir un cliché de l’expression de Nikolaj Keegan lorsqu’il a découvert le cadeau avec les restes de Jack ou encore celui avec les restes de Charlie. L’appareil photo de Bastian aurait été précieux dans ces instants. Quoi qu’il en soit, le seul côté un peu vexant de toute cette histoire, c’est qu’il y ait besoin des méthodes d’Hayden pour faire comprendre au reste du monde qu’il ne faut pas s’en prendre à un Rice, il va falloir que je regagne un peu en popularité. Le fratre ne fait pas long feu face à nous et si j’aurais pu prendre plaisir à le torturer durant de longues heures avant d’envoyer son corps à Freya, juste pour lui rappeler que je suis toujours dans le coin, je ne suis pas spécialement d’humeur à jouer longtemps. Alors c’est un dernier cœur que je viens arracher pour faire cesser ses hurlements d’agonie. Puis le silence apaisant revient bercer nos oreilles.

J’essuie ma main sur la veste du fratre décédé et me redresse. C’est sur mon frère que mon regard se relève et je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit que c’est une accolade qu’il vient finalement m’offrir. S’il me faut quelques secondes pour réagir, un bras finit pourtant par répondre à cette accolade en venant l’enlacer en retour. C’est bien la faiblesse de tous les Rice, même lorsque les choses ne vont pas on ne sait pas rester en froid les uns avec les autres, exception faite pour Bastian. L’accolade se termine et c’est Hayden qui prend la parole en premier pour présenter des excuses. « Je ne t’en veux pas. » Je me rends compte que les mots ne sont pas tout à fait correct alors je me reprends. « Je ne t’en veux plus. » Car je lui en voulu longtemps et pour bien des raisons, mais Hayden reste mon frère et je suis bien incapable de lui en vouloir éternellement, tout comme je ne saurais en vouloir à Abigaël. Il faut bien qu’il y ait quelques personnes à avoir le droit à quelques laisser passer, même si Hannah est en train de leur voler la vedette de ce côté-là.

« On ferait mieux de ne pas trop traîner par ici, la prochaine patrouille va arriver sous peu. » Dans moins de quatre minutes pour être plus précis. C’est mon téléphone que je sors pour envoyer une alerte de nettoyage au Ruby Palace. Mes hommes nettoieront la ruelle avant l’arrivée de la prochaine patrouille, je ne tiens pas à ce qu’on puisse me relier à ces meurtres, surtout maintenant que j’ai l’intention de me présenter aux élections municipales. Un détail dont je devrais d’ailleurs discuter avec mon frère mais pas ici. « Suis-moi. » C’est à vitesse vampirique que nous quittons les lieux, que nous quittons même Londres à vrai dire pour nous rendre vers la ville avoisinante, là où le couvre-feu n’est pas instauré. C’est fou comme tout est beaucoup plus vivant lorsqu’il n’y a pas de règles installées par l’Etat, comme tout est différent en passant d’une simple ville à une autre.

C’est dans un quartier animé que nous marchons à vitesse humaine, observant les stands autour de nous, la foule qui grouille sans se soucier de rien. Londres allait bien mieux lorsqu’il n’y avait pas de guerre et lorsque ses habitants étaient ignorants du monde parallèle qui les entoure. « Londres va mal mon frère. » Et je ne peux pas laisser notre ville natale à l’abandon. On pourrait croire que je fais une fixette à ce sujet, peut-être est-ce le cas. On pourrait se dire également que c’est stupide de vouloir à tout prix rester à Londres lorsque le monde nous appartient mais on finit toujours par revenir à nos racines, on finit toujours par vouloir faire ses preuves là où on a échoué. « Mais je n’ai pas l’intention de laisser les choses en l’état. » Peut-être qu’Hayden s’attendait à ce que je parle de moi, de nous, de la famille Rice au complet, mais ce ne sont pas des sujets que j’ai envie d’évoquer, pas pour l’instant en tous cas. Quand le sujet devient trop personnel les choses finissent toujours par éclater et je viens de retrouver Hayden, alors j’aimerais pouvoir en profiter quelques minutes avant de voir tout cela s’envoler à nouveau car étrangement c’est ce qui finit toujours par arriver depuis que nous avons tous remis les pieds à Londres.

« Je veux revoir la foule dans nos rues, entendre la musique tambouriner dans les établissements, voir des robes virevolter et sentir les effluves de toutes ces odeurs humaines se confondre. » Toutes ces choses qui semblaient banales quand on les avait et qui pourtant nous manque lorsqu’elles disparaissent. Je suis nostalgique d’une époque où la foule qui flânait dans les rues était insouciante des rôdeurs qui les observaient. « J’ai perdu mon inspiration. » Ces mots qui pourraient sembler banales aux oreilles de n’importe qui ne doivent pas l’être auprès de mon frère. La dernière fois que j’ai perdu l’inspiration, c’est lorsque nous étions humains, lorsque nous sommes tous les deux rentrer du champ de bataille après la victoire de cette première guerre mondiale. Il m’avait fallu du temps avant de retrouver mon inspiration, avant de refaire des nuits correctes, avant de ne plus être hanté par les horreurs de la guerre. Il m’avait fallu du temps avant d’être capable de peindre à nouveau. « Et je tiens à la retrouver. » Car la dernière fois que j’ai perdu mon inspiration, les choses allaient mal dans ma vie et dans mon esprit et je refuse de retomber si bas à nouveau. Je suis un vampire désormais, je ne peux plus me le permettre.

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Ethan Rice - Hayden Rice

C’était quitte ou double... Ethan pouvait accepter mon accolade ou bien me repousser. Certes, nous avons combattus ensemble durant la guerre contre les loups car le clan du Centre a rejoint celui du Nord, mais nous n’avions pas pour autant pris réellement le temps de nous parler, le temps d’évoquer à nouveau les sujets personnels. Sans doute valait-il mieux qu’il en soit ainsi. La guerre n’est pas un terrain où l’on peut se permettre la moindre erreur. Ce qui est incroyable, c’est que peu importe l’époque, peu importe que nous soyons humains ou vampire, nous ne parvenons toujours pas à y échapper. Un jour je l’espère, notre famille finira par être définitivement à l’abri de tous ces guerres... Malheureusement pour y parvenir, il y a encore d’autres combats qu’il nous faudra mener. Mais nous finirons par avoir le dessus sur nos ennemis et cela commence dès aujourd’hui.

Je suis rassuré d’entendre les mots d’Ethan. C’est seulement lorsqu’il me dit qu’il ne m’en veut plus que je prends conscience qu’il m’a réellement pardonné. Je le vois regarder sa montre en disant de ne pas trainer avant l’arrivée de la prochaine patrouille. Il va décidément falloir que je me fasse à ce nouveau fait des plus dérangeants. Je prends donc le même chemin qu’Ethan et nous nous retrouvons tous deux en-dehors de Londres, dans une ville voisine qui « respire » beaucoup plus la vie si on peut dire. Je n’interromps pas Ethan lorsqu’il m’annonce que Londres va mal et me contente d’acquiescer d’un signe de tête. L’entendre me parler ainsi des rues pleines de monde qui lui manquent, de la musique, du simple fait de voir les gens dehors se mêler les uns aux autres... Je n’ai eu qu’un très léger aperçu de la nouvelle situation à Londres ce soir et c’était déjà bien plus qu’il n’en fallait. J’ose à peine imaginer ce que cela a dû être tout au long de ces dernières semaines à répétition. Entre les rues désertes et nos ennemis patrouillant dans les rues. Nous ne pouvons pas laisser les choses dans cet état.

Mon regard se tourne vers Ethan lorsqu’il conclut par le fait qu’il a perdu l’inspiration. Mon air est grave, sérieux. Je ne comprends que trop bien le sens de cette phrase. Les choses en sont donc arrivées à ce point ? De mon vivant, je n’ai vu mon frère perdre l’inspiration qu’une seule fois et il est hors de question que je laisse cette situation se reproduire. Je sais que j’aurais dû être là lors de cette épreuve terrible que tu as traversé ces dernières semaines au point que même à l’étranger j’ai fini par entendre que tu allais mal. Mais le petit groupe de vampires avec lequel je suis parti et moi-même étions en pleine course contre la montre avec les hommes de l’unité. Je te promets mon frère que mon absence n’aura pas été vaine... Car je reviens avec un atout que nous ne possédions pas jusqu’à présent.

« Nous ne laisserons pas Londres dans cet état. Nous sommes partis désavantagés car nous ne connaissions pas encore tous nos ennemis et la façon dont ils opèrent alors qu’une partie d’entre eux dirige la ville maintenant. Je pense mon frère, avoir un moyen qui pourrait t’aider à retrouver l’inspiration. Je ne suis pas revenu de l’étranger les mains vides. »

Un sourire en coin se dessine sur mes lèvres. Je n’en dis pas davantage à ce sujet pour l’instant, j’attrape une humaine au hasard dans la foule et me dirige avec ma vitesse de vampire dans une ruelle beaucoup moins éclairée, ordonnant à ma prochaine victime de ne pas faire le moindre bruit. J’attends qu’Ethan me rejoigne pour faire de même.

« Trinquons, à la récupération prochaine de notre ville. »

Je mords ma victime à la gorge, m’abreuvant goulument de son sang, juste ce qu’il en faut pour ne pas la tuer. Nous avons plutôt intérêt à faire profil bas avec les humains pour le moment car éliminer nos ennemis est une chose, mais regagner la confiance de la population va être une autre paire de manche maintenant qu’ils sont tous au courant de notre existence. Je propose à Ethan de nous asseoir dans l’un des bars animés de la ville où nous nous trouvons afin de commander un verre de bon whisky et discuter.

« Il y a plusieurs sujets dont nous devons discuter, j’ignore par lequel commencer. Je pense que je vais démarrer avec le plus déplaisant. J’imagine que tu as sûrement dû le croiser au moins une fois vu qu’il a volé une de tes voitures la seule fois où je l’ai croisé, Bastian est en vie et il est à Londres. Je t’avouerais que je ne sais pas trop quoi en penser étant donné sa force hors du commun à se faire remarquer et à attirer les problèmes... Nous aurons sans doute besoin de tous nous réunir pour ce qui va suivre mais je ne lui fais pas confiance. Ton avis sur la question serait précieux. »

Autant briser la glace dès le départ avec le sujet qui fâche et garder ainsi le meilleur pour la fin... Le lui montrer même ! Du moins ce que je pense être le meilleur, car avec toutes les bavures de Bastian, je suis loin d’arriver au bout de mes peines. 

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La guerre a imposé des changements drastiques dans la ville de Londres, des changements qui ne me plaisent pas et qui ne doivent convenir à personne. Je ne peux pas laisser des humains détruire la ville dans laquelle j’ai grandi. J’étais là avant eux, je serais encore là après eux et je compte bien emmener cette ville au sommet. Il est grand temps que les tendances s’inversent à Londres et visiblement mon frère est en accord avec cette idée. Je me retrouve à froncer les sourcils lorsqu’Hayden pense avoir un moyen de me rendre mon inspiration. Pas revenu les mains vides ? Je ne sais pas si je dois m’attendre au meilleur ou au pire, dernièrement les idées de mon frère et moi n’étaient pas toujours en accords, mais j’attends de voir, curieux de connaître ses aventures hors de Londres. « Visiblement tu as de nombreuses choses à me raconter. » Bien plus que je n’en ai à lui conter en retour. Depuis la fin de la guerre on ne peut pas vraiment dire que j’ai été particulièrement productif pour quoi que ce soit. Je suppose qu’Hayden a dû en entendre parler à son retour.

Mon frère n’en dit pas plus pour l’instant, se contente d’afficher ce sourire que je lui connais bien et d’attraper une humaine avant de disparaître de la ruelle bondée. Je le suis, le rejoignant dans cette impasse où personne ne nous dérangera. L’humaine ne dira rien, Hayden s’est déjà occupé de cela avant de me proposer de trinquer à la récupération de notre ville. Mon regard se pose sur le cou de cette humaine et j’esquisse un sourire. « Oh nous ne ferons pas que la récupérer. » Je compte bien imposer de nombreux changements à Londres, mais pour l’heure notre repas nous appelle. Je mords l’autre côté du cou de l’humaine, m’abreuve de son sang juste ce qu’il me faut avant de la libérer. Hayden aussi la relâche, laisser des cadavres derrière nous en ces temps troubles n’est pas la meilleure idée et il l’a compris. Ce n’est pas le cas de tout le monde dans cette famille.

C’est à un bar que nous nous installons et dans lequel Hayden réclame deux verres de whisky qui nous sont rapidement apportés. Mon regard se pose sur l’alcool sans que je ne touche au verre, j’estime en avoir un peu trop consommé depuis la fin de la guerre et en même temps si on doit aborder le sujet Bastian un bon verre ne serait pas de refus… Pourtant je n’y touche pas et me contente de relever mon regard dans celui d’Hayden. « Bastian est effectivement un problème. » Il est un problème dans ma relation avec Abigaël, un problème dans ma relation avec Milla, un problème pour l’avenir que j’ai en tête. « Abigaël tient trop à lui pour le laisser partir. » Elle a toujours été la seule de la famille à avoir entretenue une bonne relation avec lui, ce n’est donc pas étonnant qu’elle veuille le protéger. « Mais nous sommes tous les deux d’accord pour dire qu’il est dangereux pour nos projets. » Bastian cause beaucoup de problèmes et attire l’attention sur notre famille, ce n’est pas bon pour nous, sans oublier son nombre incalculable de provocations. « Alors il faudra faire les choses proprement. Pas de meurtre, pas de souffrance. » J’aurais bien proposé à Hayden d’attendre le prochain faux pas de notre demi-frère avant de passer à l’acte… mais avec l’information que je compte lui révéler je doute qu’il veuille faire preuve de patience.

« Hayden il y a quelque chose que je dois te dire. C’est à propos de notre père. » Je sais que l’information sera difficile à avaler, elle l’a été pour Abigaël, elle le sera d’autant plus pour Hayden. Je sais aussi que lui révéler une telle information aura des conséquences, mais Hayden est en droit de savoir. C’est un sujet familial après tout, alors tous les Rice méritent de connaître la vérité. Abigaël m’en voudra probablement d’avoir parlé… Mais Hayden m’en voudrait de ne pas le faire. Il ne s’agit pas de choisir entre ce que voudrait ma sœur ou mon frère, il s’agit de mettre carte sur table avec tout le monde et d’arrêter de mentir. C’est ce que j’essaie de faire avec Abigaël, avec Hannah et maintenant avec Hayden. Je lâche un soupire avant de me décider à lâcher cette vérité. « Bastian l’a tué. » Pas de détours, pas de doute possible, les choses sont peut-être dites rudement mais au moins il ne risque pas de comprendre quoi que ce soit de travers. « Il était encore humain lorsque c’est arrivé. Je ne sais pas si cette information a de l’importance à tes yeux mais elle en a pour moi. » Car si Bastian a pu commettre un tel acte lorsqu’il était encore humain, alors peut-être avons-nous sous-estimé notre demi-frère plus que je ne le pensais. Il jure notre destruction depuis son retour à Londres, il est peut-être temps de le prendre réellement au sérieux.