Le type arrête de jouer au plus malin, il veut parler. Bien. Faut-il encore qu’il ait des choses à dire. Il a plutôt intérêt, déjà qu’il en pisserait presque dans son pantalon quand la lame de Fynn vient l’érafler avant de se ficher dans la poutre près de son visage. Je me recule à nouveau, retrouve ma place en tailleur sur le sol pendant que je laisse mon jumeau prendre le relai. Ce n’est pas bon de le laisser s’impatienter. Le gars il commence à raconter une histoire plus que de donner des informations. « J’m’ennuie. » que je lâche bien fort avant de m’allonger sur le sol, les bras croisés derrière la tête, pour bien faire comprendre qu’on s’en tape de son histoire.
Je crois surtout qu’il a peur de la lame de Fynn, parce qu’il se concentre un peu plus sur l’essentiel. Enfin, disons qu’apprendre que le nom de Rice fait suffisamment peur pour que personne ne lâche des informations, c’est plutôt cool à savoir. Un sourire s’affiche sur mon visage à ces mots, même si je sais que ça risque de nous rendre la tache un peu plus compliqué. Je croise mes pieds, le regard rivé sur le plafond. On pourrait presque me croire allongé dans l’herbe à regarder le bleu du ciel, c’est que la situation ne me fait ni chaud, ni froid. Fynn estime que le gars ne sait rien. « Ça craint, j’vais être obligée de dire que tu avais raison. » Après tout, c’est son jumeau qui a estimé que le type mentait quand il a dit avoir des informations. C’est là que le gars parle d’une adresse. « Peut-être pas finalement. » Je décroche mon regard du plafond et me tourne en appuyant un coude sur le sol pour croiser le regard de Fynn en haussent les épaules, l’air de lui dire que ça vaut le coup d’avoir cette adresse.
Sur le coup, je ne crois pas trop au fait que ça puisse donner quelque chose. Un avis qui change bien vite dans le froncement de mes sourcils quand la pièce se met à trembler. Je me relève pour m’asseoir sur le sol en regardant autour de nous, je sais que ce n’est pas notre magie qui est à l’œuvre, je la sentirais si Fynn s’en servait. Fais chier ! « Ils commencent sérieusement à me gonfler ceux-là. » Entendre : les esprits. C’est quoi leur putain de problème ?! Je me lève, cette fois, à la recherche d’un moyen de régler le problème. Je ne vois rien, j’entends seulement Fynn qui me demande de faire attention et c’est sur le sol, sous lui, que je termine en voyant une bouteille voler au-dessus de nous. Je m’accroche à Fynn par peur. Une vraie peur, bien réelle. Pas à cause des esprits ou de ce qui est en train de se passer. Peur qu’en me protégeant, ce soit lui qui soit la victime d’un débris volant.
Je m’apprête même à commencer une incantation, n’importe quoi qui permettrait de maîtriser un peu ces esprits ou de les congédier. Je n’ai pas le temps de faire quoique ce soit, tout s’arrête aussi soudainement que c’est arrivé. Pourquoi ? Avec Fynn, on capte en même temps ce qu’il se passe. Lui, il laisse échapper un non quand, de mon côté, mon regard se tourne en même temps vers le gars. Mort trop vite, sans trop de souffrance et, surtout, pas de la main de mon jumeau. Une fois de plus je me retrouve assise, mais cette fois j’essaie de cogiter à ce qui vient de se passer. On ne veut pas qu’on récupère l’adresse de ce club, Fynn essaie d’avoir l’information par le type qui l’envoie presque se faire foutre muettement avant de lâcher son dernier soupir.
Je sais que la situation craint vraiment quand Fynn grogne et que toutes les fenêtres se brisent sous sa rage. Les esprits vont lui payer, c’est ce qu’il dit. « Fynn… » Il ne va pas faire ça ? « Et merde. » soufflé-je. Bien sûr que si, il va le faire. Il est même déjà en train de le faire. Je me relève très vite, pousse tous les débris qui pourraient gêner le passage de mon jumeau quand il commence à tracer des symboles au sol. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, pas sans une meilleure préparation. Mais c’est ce que veut Fynn, alors c’est ce qu’il aura. Il n’a même pas besoin de dire ce qu’il veut exactement, je le sais forcément. Alors je viens l’aider à finir les signes sur le sol.
Avant de se retrouver tous les deux au centre d’un cercle, c’est sa lame que je vais chercher et nos deux mains que j’entaille. Ça n’a jamais été la partie que je préfère, surtout quand il s’agit de créer volontairement une blessure sur Fynn. Mais on est obligé de passer par-là, et il ne sera pas le seul à donner de son sang. C’est sa main ensanglantée que je viens prendre dans la mienne, nos sangs se mélangeant avant de tomber en fine gouttes sur le sol. Je ne prends même pas la peine de lui demander s’il est sûr de lui. Il l’est. Alors on incante, tous les deux au même rythme. Des années à pratiquer la magie ensemble, parfois de manière très aléatoire et expérimentale. On a forcément des réflexes communs. L’atmosphère change vite, les murs ne trembles pas mais les débris sur le sol le fond. C’est épuisant de vouloir invoquer un esprit qui ne veut pas se pointer, encore plus de le faire quand d’autres sont contre cette initiative. Mais tout paye à un moment où à un autre, et tout se paiera aussi plus tard.
« Laissez-moi tranquille » finit par hurler la voix de l’homme alors qu’une vision fantomatique de son corps apparait. « Le nom de ce club et tu es libre. » Il y a une lueur apeurée dans ses yeux quand il regarde derrière lui, sans que l’on puisse voir quoique ce soit. « Ils… Ils… Ils ne veulent pas. » Quel trouillard ce con. Je perds patience, probablement à cause de la fatigue qui se fait sentir. « On peut t’envoyer l’un deux pour que le reste de ton éternité se fasse dans de meilleures conditions. » Et on s’en tape que ce soit vrai ou non, il n’y connait rien de toute façon. Il donne deux mots qui forment le nom d’un club. On n’a même pas le temps de souffler que tous les débris se lèvent d’un même mouvement, qu’ils viennent tous frapper violemment contre la barrière invisible que forme le cercle dans lequel on se trouve. Je serre la main de Fynn encore plus fort. Ça devient un combat de volonté, notre protection contre des esprits mécontents de savoir qu’on a une information. C’est aussi une course contre la montre, parce que ce n’est pas impossible que quelqu’un ait lancé l’alerte avec tout le bordel qu’on fout depuis que les vitres ont explosé.
Bien sûr que Faith s’ennuie, moi aussi je m’ennuie ! Tous les deux ne sommes pas très friands d’histoires, on préfère l’action, on préfère les faits et là j’ai juste la sensation que ce type cherche à gagner du temps et nous faire tourner en bourrique. Je déteste ça. Ce type n’a rien, j’en suis sûr et je suis prêt à lui faire payer cette perte de temps en lui retirant les boyaux du ventre tout en faisant en sorte de le garder en vie. Je connais bien le corps humain, je sais où je peux découper et où je dois faire attention. Ce type souffrira avant de mourir, c’est une promesse que je me suis faite pour lui faire regretter d’avoir menacé Faith de son fusil. Imaginez un peu maintenant s’il avait fait plus que la menacer… Je déconseille à qui que ce soit d’essayer.
Le fait que les esprits se déchainent est une preuve que ce type en sait plus que je ne voulais bien l’admettre, suffisamment pour l’empêcher de parler en tous cas. Hors de question que je reparte d’ici sans cette adresse ! Faith s’énerve et moi aussi, sauf qu’on n’aura pas le temps de réellement agir, la seule chose que je peux faire, c’est protéger ma jumelle de la bouteille qui fonce droit sur elle. Puis plus rien, le vide, le silence et bientôt un mort. Je crois n’avoir jamais autant détesté les esprits qu’en cet instant, non seulement ils ont failli blesser Faith, mais en plus ils m’ont volé ma vengeance tout en nous empêchant d’avoir une réponse. Non, ça ne se passera pas comme ça. Il est temps que les esprits comprennent qu’on est plus dangereux qu’eux.
Alors je m’active, commence à tracer des symboles sur le sol alors que Faith semble vouloir me raisonner… ou peut-être pas, en tous cas si c’est le cas elle n’y met pas réellement de volonté. Elle aussi veut leur faire payer, je le sais. Alors même si on déteste tous les deux voir le sang de l’autre couler, on le fait quand même ensemble, ce n’est qu’une coupure après tout et on va avoir besoin de ce sang pour la suite. Voilà comment on se retrouve à faire une incantation, prononçant les mêmes paroles avec la même intonation et la même vitesse, comme si nous ne formions qu’un. C’est un peu ce que nous sommes après tout, deux jumeaux qui forment un tout. Et ce tout est parvenu à invoquer le spectre de l’homme décédé près de nous, malgré toute la volonté des esprits à nous mettre des bâtons dans les roues.
Il a peur des esprits derrière lui qu’on ne peut pas voir, il devrait pourtant avoir davantage peur de nous. Faith le menace et finit par avoir raison de sa volonté. Le Crisp Night, ça y est, nous l’avons enfin et vu comme les esprits se débattent contre nous, je suppose qu’il n’a pas inventé ce nom. Le plus raisonnable serait de couper court maintenant à l’invocation et partir de là en nous protégeant des attaques… Sauf que vous avez déjà dû remarquer qu’aujourd’hui je suis loin d’être raisonnable. « Tu sais ce qu’il y a de pire pour un esprit ? » C’est sur le spectre de l’homme que mon regard reste fixé avec cette lueur sombre. « Finir dans les limbes. » On ne peut pas physiquement torturer un spectre, mais on peut les détruire en les envoyant dans les limbes. Voilà à quoi sert ma prochaine incantation, même si envoyer un esprit dans les limbes demande certaines ressources qui risquent de nous vider de notre énergie. Je sers un peu plus la main de Faith dans la mienne pour l’inciter à me suivre et si le spectre nous supplie de ne pas faire ça, il finit par disparaître dans un hurlement qui résonne dans toute la pièce.
Puis c’est comme si un champ magnétique se dégageait de nous pour se répandre dans toute la pièce, nous envoyant au tapis tout en stoppant net les attaques des esprits et heureusement d’ailleurs parce que le bouclier autour de nous a disparu lui aussi. « Faut qu’on bouge. » Avant que les esprits ne reviennent. Avant que les flics ne débarquent également. J’ai beau être vidé de toute mon énergie, ça ne m’empêche pas de me remettre sur pieds et d’offrir ma main à Faith pour l’aider à se relever avant de commencer à nous diriger vers la porte… jusqu’à entendre un gyrophare retentir juste à côté. « Pas par là. » Je ne suis vraiment pas en forme pour une course poursuite alors on va tenter de trouver une sortie à l’arrière, il y en a toujours une. C’est donc la porte arrière qu’on emprunte pour nous trouver dans une autre ruelle.
Une putain d’impasse, sauf qu’il est hors de question de faire demi-tour… « Grimpe. » Ce sont mes mains que je positionne contre le mur de façon à lui faire la courte échelle. Faith devrait pouvoir s’en sortir par-là, il me restera juste à trouver un moyen de la rejoindre. « Trouve une voiture qui roule vite. Finalement on va l’avoir notre course poursuite. » Le plan, c’est que Faith grimpe derrière ce mur et me rejoigne à l’entrée principale du bar avec une voiture qui en a sous le capot pendant que de mon côté, je devrais esquiver le flic et rejoindre ma jumelle sans me faire coincer. Un jeu d’enfants, pas vrai ? Même sans magie.
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❝ Faith Rice ❞
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Sujet: Re: Le commencement Lun 25 Nov - 23:02
Le commencement
Il n’a même pas besoin de serrer ma main pour m’inciter à quoi que ce soit. À partir du moment où Fynn a parlé des limbes, c’est devenu une évidence qu’il voudrait y envoyer l’esprit. Ce gars a voulu jouer au plus malin et il a perdu. Il a cru que la mort pourrait le mettre à l’abri, mais il commence à comprendre que l’on n’emmerde pas mon jumeau. Qu’on ne me menace pas, serait plus exact. Et, de ce que j’ai pu saisir rapidement, on ne cherche pas un Rice non plus dans cette ville. Londres va peut-être me plaire finalement !
Je devrais être la plus raisonnable de nous deux, surtout quand Fynn perd cette notion. C’est moi qui devrais être en train de lui dire de laisser tomber, qu’on va gaspiller bien trop d’énergie à renvoyer ce type dans un monde qu’il détestera. Après tout, il vient de trouver la mort et cette sentence devrait être déjà bien suffisante. Sauf que ce n’est pas le cas, en mourant, il a frustré mon jumeau et l’a privé d’une vengeance digne de ce nom. C’est un affront et ça mérite d’avoir une répercussion. De toute façon, j’aime bien trop le son qu’il produit en disparaissant. Ce cri de terreur face à l’inconnu emplit mon petit cœur de joie. Je sais, c’est tordu. Personne n’a dit que j’étais saine d’esprit.
On se fait éjecter et on se retrouve au sol. Ma première réaction est de tourner la tête vers mon jumeau pour voir s’il va bien. C’est le cas, alors j’explose de rire. Je vous avais dit que ce dernier cri m’avait rendue joyeuse ! Je suis épuisée, mais c’était quand même génial, non ? Fynn est déjà plus terre-à-terre, rappelant l’importance de partir. « Ouais, ouais, je sais. » Je soupire en lâchant un « rabat-joie » comme quelqu’un d’autre balancerait un mot dans une fausse toux. Puis, c’est sa main que j’attrape pour m’aider à me relever. Direction la porte de sortie… Sirènes de flics à l’horizon… Changement de trajectoire, Fynn m’entraine vers l’arrière du bar.
Il nous fait sortir par la porte qui sert probablement à sortir les poubelles dans la ruelle. « Il va falloir qu’on retravaille tes sorties. » Il y a quand même plus classe comme façon de s’enfuir. Oui, je sais ! Lui, est en train de nous chercher une solution pour partir sans croiser les flics et, de mon côté, je critique. Il sait que ce n’est pas méchant, j’aime bien le taquiner quand il est trop sérieux. Sauf que, comme d’hab’, c’est lui qui est dans le vrai. Faut qu’on se bouge et il faut le faire vite. Sauf que, on fait comment quand on est dans une impasse ? Grimpe. Je le regarde complètement médusée par sa demande. J’ai même envie de protester, mais il me fait comprendre que ce n’est pas le moment. Fais chier !
Je grimpe, mais je trouve quand même ce plan bien pourri. Un, je n’aime pas l’idée de le laisser seul. Deux, je n’aime pas l’idée de le laisser seul. Trois, … Bref, vous avez compris l’idée. J’atterris de l’autre côté du mur et je ne perds pas de temps. Je cours, souffle comme un bœuf à cause de cette putain de magie pratiquée et mon organisme qui me fait comprendre qu’on a peut-être poussé un peu loin. Je cherche une putain de voiture, n’importe laquelle du moment qu’elle roule. Puis, je sens mes pieds freiner soudainement alors que je viens de dépasser une ruelle adjacente. Petit retour en arrière et mes yeux s’illuminent. Un peu plus loin, planquée dans une rue que personne ne doit remarquer, il y a cette bâche que recouvre ce qui semble être une voiture.
Je me presse et retire la bâche… « Putain… » Bon d’accord, j’avais imaginé une putain de voiture. Un truc qui en jette, genre, vieille mustang. Et là, je me retrouve face à une Bagheera de chez Matra-Simca. So année 80, quoi ! ça fera l’affaire et puis, de toute façon, je n’ai pas tellement le temps de faire mon shopping. Ça reste une sportive alors elle envoie un peu, il ne manque plus que la musique d’un vieux générique télé et on pourrait se croire dans une scène de course-poursuite très clichée. Ça me fait marrer. Enfin, je me laisserais à rire si je n’avais pas le frangin à récupérer.
Pour la discrétion, on repassera. La voiture pétarde dans tous les sens quand j’arrive près de l’entrée du bar. Pour le moment il n’y a qu’une patrouille de police, ils seront probablement rejoints par les autres. Y a un flic qui est planqué derrière sa portière, son arme braquée sur la porte pendant que son pote, un peu plus courageux avance vers l’intérieur du bar. J’imagine qu’ils ont dû perdre un temps fou à gueuler depuis l’extérieur pour que l’on sorte. Quoiqu’il en soit, comme je ne conduis pas ma voiture et que je me tape un peu du premier flic, c’est dans leur voiture que je fonce. Le flic numéro 1 beugle comme un veau, avec le shoot qu’il vient de se prendre. J’espère seulement qu’il hurle assez fort pour déconcentrer celui qui est à l’intérieur et que ça va permettre à Fynn de sortir de là, surtout que d’autres sirènes commencent à se faire entendre. Allez, sors de là Fynn !
J’ouvre ma portière en grand, mais je ne sors pas. Au lieu de ça, je glisse par-dessus le frein à main pour me mettre côté passager. Ça devrait être une motivation supplémentaire pour que mon jumeau vienne me rejoindre. Cette fois, je le laisse conduire.
Sujet: Re: Le commencement 
Mar 19 Nov - 15:22
