Le calme, c'est quoi ?

Le calme, c'est quoi ?

Depuis de longues minutes, maintenant, Milla est assise sur la chaise face à un des responsables de ce commissariat. Sur le bureau qui le sépare est posé un dossier ouvert, l’homme souhaitant l’avis de la psy sur le mode opératoire d’un meurtre. Elle expose les idées que les quelques clichés lui permettent de voir, mais ça n’ira pas plus loin. Des photos seules ne suffissent pas à un avis plus tranché et approfondi. Une fois fait, Milla s’apprête surtout à expliquer à ce gradé qu’elle ne souhaite plus poursuivre une quelconque collaboration. Il y a eu quelques affaires concernant les Rice qui, de toute évidence, elle n’était pas prête à dénoncer. Ça met Milla dans une configuration un peu gênante où elle refuse d’avoir à mentir, tout en faisant de la rétention d’informations. Ce n’est pas viable, le mieux est donc d’arrêter cet échange.

« Je voulais vous dire que… » Sa phrase se suspens quand, tout essoufflé, un policier entre dans le bureau sans prendre la peine de frapper. Le regard noir que lui lance son supérieur ne dure pas longtemps quand le nouvel arrivant agite un dossier dans ses mains. « C’est la fille, Hannah Johnson, des indics’ l’ont vu retourner chez elle. » Il est jeune, plein de bonne volonté, c’est probablement sa troisième ou quatrième affaire et il a à cœur de la mener à bien. Le gradé calme ses ardeurs rapidement, lui explique qu’ils ne peuvent pas intervenir. « L’armée nous a demandés… » Pour ne pas dire imposer ! « De leur remettre toutes les informations que l’on pouvait avoir. Ils ont perdu beaucoup d’hommes ce soir-là. » Le policier a beau protester, son supérieur lui dit de laisser tomber et de retourner sur une autre affaire.

De nouveau seuls dans le bureau, Milla laisse passer un sourire poli avant de se relever. « Vous avez l’air d’avoir encore beaucoup à faire, je vais y aller. » Voilà pourquoi elle ne peut pas travailler ici, même de manière ponctuelle. Il y a des noms qui reviennent, des informations qu’elle possède, et tout cela semble de plus en plus incompatible. D’un autre côté, difficile pour la psy de regretter d’avoir été présente à ce moment précis… Mais, ce ne sera pas pour aider ou informer la police cette fois. Au moment de passer la porte, le gradé l’interpelle. « Vous vouliez me dire quelque chose ? » C’est un nouveau sourire qu’elle lui accorde. « Rien d’important, on verra ça plus tard. »

Quelques minutes plus tard, elle est enfermée dans sa voiture à l’abri des oreilles indiscrètes. Milla n’hésite même pas à prendre son téléphone pour composer le numéro d’Ethan. Être en froid avec lui ne semble pas être une raison suffisante pour ne pas l’informer de ce qu’il vient de se passer, surtout quand il est question de la sorcière à laquelle il tient. Elle est brève lors de cet appel, se concentrant uniquement sur l’essentiel. Milla explique que la police était sur une affaire, une histoire de vampire qui se sont échappés d’un bar en poursuivant des humains, et que l’armée semble en faire une histoire personnelle qui ne s’ébruitera pas. Et que, à cet instant, la police est en train de prévenir les militaires qu’ils pourront trouver la jeune Johnson chez elle. Que, d’une manière que Milla ignore, la sorcière semble être impliquée et qu’elle risque d’avoir des ennuis. À Ethan, de voir ce qu’il veut faire de ces informations.



Hannah soupire. Encore. Toujours.
La prochaine fois qu’on la force à quitter la ville, il faut qu’elle pense à embaucher une personne qui viendra faire le ménage chez elle pendant son absence. C’est un bordel sans nom, tellement qu’elle soupçonne forcément des gens d’être passés par là, surement à la recherche de quelque chose. Bon, d’accord, elle y est aussi pour quelque chose dans tout ce bazar. Hannah avait quand même un peu retourné toute sa baraque avant de se barrer. La première fois qu’elle avait poussé la porte de chez elle, à son retour, la sorcière avait même envisagé de revendre en l’état de se racheter un autre endroit. Ça aurait été bien moins de rangement à faire !

Bref, depuis deux jours, elle range et range encore. Ça commence à prendre forme, du moins, son chez elle est devenue vivable. Et puis, s’occuper de cet endroit avait eu un grand avantage, celui de ne pas penser à la suite des évènements. La sorcière n’est toujours pas certaine de ce qu’il peut se passer avec Ethan. Si, elle a acquis la certitude de bien trop tenir à lui et qu’il lui est essentiel, Hannah n’est pas certaine d’être capable d’accepter une telle vérité. Et, surtout, elle n’est pas sûre de ce que lui peut penser de tout cela. D’accord, les retrouvailles avaient été sympas… Plus que ça, même ! Mais Ethan n’était pas dans son état le plus normal, alors peut-être qu’elle a un peu peur de le voir reprendre ses esprits et qu’il décide de la renvoyer une nouvelle fois hors de cette ville.

Hannah déteste toutes ces incertitudes qui la font devenir folle, elle qui a toujours pris les évènements comme ils venaient sans se soucier des conséquences. Elle réfléchit trop, ça fait fumer son cerveau et c’est très agaçant ! À croire que rien ne peut jamais être simple quand il est question du vampire, même quand les choses semblent bien se passer. Faut dire que, honnêtement, c’est bizarre quand il n’y a pas de crise, de hurlement et d’envie de meurtre. La sorcière ne sait pas à quoi s’en tenir. Ça la rend folle… Plus que d’habitude !

Il est tard quand elle décide de se rendre à sa cuisine, vêtue d’un simple t-shirt et d’un jean. Ses pieds nus évitent consciencieusement les quelques broutilles encore au sol qu’elle n’a pas eu le temps de ranger, et c’est de l’eau qu’elle fait chauffer dans une bouilloire. Son regard se fronce quand, derrière le sifflement de cette dernière, un autre bruit se fait entendre près de la porte d’entrée. Elle ne va pas voir, se contente de rester près de son plan de travail et d’attendre.

Ils sont quatre, en tout cas, elle ne voit pas plus d’hommes débarquant dans sa cuisine. Ils ont tous une arme qu’ils pointent dans la direction de la sorcière en lui demandant de ne pas bouger. « Hannah Johnson ? » comme s’ils avaient besoin d’une confirmation. « Non. » Elle répond simplement et, dans le fond, ça la fait marrer de voir le doute s’installer sur leurs tronches pendant une fraction de seconde.

Un premier homme approche, un militaire. Ils ne sont pas en tenue de service, mais c’est écrit sur leurs gueules. Leurs postures, leurs coupes de cheveux, leurs façons de bouger… « De nombreux témoignages vous donnent coupable dans ce qu’il s’est passé dans un bar, il y a quelques mois. » C’est pour ça qu’ils sont là ? Hannah soupire, c’est un évènement bien trop loin pour qu’elle s’en préoccupe encore. « Est-ce que vous savez combien d’hommes on a perdus en essayant de rattraper tous ces vampires ? » La sorcière hausse les épaules. « Apparemment pas assez puisque vous êtes encore là ! » Ce qui énerve le type qui, à partir de ce moment, baisse sa garde avec l’idée de s’approcher assez pour l’attraper. Vu le sourire des autres hommes restés derrière, Hannah suppose qu’ils ne vont pas simplement l’interroger ou la foutre dans une cour de justice pour un jugement en règle.

Elle attend qu’il soit assez proche pour venir agripper sa bouilloire et lui balancer le contenu au visage. Un hurlement de douleur se répercute contre les murs, les autres ne tirent pas. Apparemment, la tuer serait bien trop simple. En revanche, ils accourent tous dans sa direction et, sans réfléchir, la sorcière prend la fuite avec l’idée de descendre au sous-sol. C’est encore là-bas qu’elle sera le plus efficace.