En évidence, sur la table basse du salon, Klara avait laissé un mot pour dire qu’elle était sortie. Cachée, sous son lit, elle avait laissé une boite au cas où elle ne rentrerait pas. La logique typiquement féminine veut que Klara espère qu’Henrik ne profitera pas d’une petite absence pour fouiller dans ses affaires mais qu’il aura le bon sens de le faire si elle tarde trop à revenir. Tout est dans le timing !
Une veste en cuir sur le dos, c’est la porte d’entrée qu’elle ferme avant de quitter l’immeuble pour se rendre à l’adresse de Julian Lodge. Difficile de louper l’endroit, même un humain avec une vue déplorable et qui vient de casser ses lunettes ne pourrait pas ne pas voir cette villa. Devant la bâtisse qu’elle observe, Klara hésite : est-ce que cette baraque est plus ou moins visible que les militaires qui patrouillent dans les rues ? Non parce qu’ils sont bien mignons ces gars-là mais, sérieusement, ils savent qu’ils luttent contre des surnaturels à l’ouïe assez développée pour entendre leurs pas ?! On aura déjà vu mieux niveau discrétion. Faut dire que Klara est assez sensible aux bruits qui l’entourent, comme ces caméras qu’elle entend doucement se tourner pour la suivre alors qu’elle remonte l’allée. Elle n’accorde regard à ces petites choses mais note que le système de sécurité de cette villa doit être assez importante… Et elle est bien loin d’imaginer à quel point.
C’est en frappant à la porte principale que Klara se demande si elle a suffisamment calculé les risques en venant ici. La réponse est non. C’est le problème de l’hybride qui fonce un peu trop tête baissée dès qu’elle arrive à avoir une piste ou quoique ce soit en fait. Quand on est hybride, on se croit forcément au-dessus de la chaîne alimentaire – à raison – et rien n’est vraiment assez impressionnant pour perdre des plombes à réfléchir aux choses. Les seules personnes pour qui elle s’interroge vraiment, au final, ce sont ces hommes en noir. Ils sont capables de bien trop de choses, ont beaucoup trop de moyens pour pouvoir être négligé. Klara devrait peut-être aussi se méfier de Lodge qui semble en savoir bien plus que ce qu’il a bien voulu dire et, dans le fond, elle s’en méfie un peu. Sauf que, pour l’instant, elle n’a pas de meilleure piste à suivre. De plus, si elle doit vraiment avoir une deuxième puce logée quelque part dans le corps, il semblerait que Julian reste sa meilleure chance pour s’en débarrasser. Klara verra bien les conséquences que ça peut avoir plus tard.
La porte s’ouvre sur un Julian à la mine fatiguée. Les humains ne tiennent pas la route : une nuit trop courte et ils ont l’air d’être aux portes de la mort. Ça doit être triste d’être humain, de se retrouver autant limité par des capacités réduites et une espérance de vie qui frôle le zéro. Si elle ne s’en souvient pas, Klara sait qu’elle n’a jamais été humaine et ça lui convient bien comme cela. Peut-être que si elle avait été une louve mordue, elle n’aurait jamais su survivre à ce qui l’a emmené à être une hybride aujourd’hui. Mais ce n’est pas vraiment le moment d’avoir ce genre de pensées alors, elle lève légèrement une main. « Salut. » Il parait qu’il faut être polie alors elle fait l’effort de l’être, le sourire en revanche a été un peu oublié dans la manœuvre. Il ne faut pas trop lui demander. Au moins, elle se retient de lui faire remarquer qu’il a une sale tête. Il parait que ça ne se fait pas, oui parce qu’en plus d’être limités, les humains sont susceptibles. Quoique, Klara serait aussi capable de mal le prendre si on venait à lui sortir ce genre de réflexion.
« J’avais prévu de venir bien avant mais c’est un peu le bordel en ville ces derniers temps. » Elle suppose qu’il n’y a pas besoin de lui expliquer que c’est à cause de cette guerre entre les loups et les vampires : tout le monde est au courant. D’ailleurs faudra qu’on lui explique pourquoi il y a eu une intervention extérieure à cette guerre, ça aurait été tellement plus intelligent de laisser ces surnaturels se foutre sur la tronche jusqu’à ce qu’il y ait encore plus de perte. Foutre un périmètre de sécurité pour contenir cet affrontement afin de protéger les humains et les laisser se tuer, ouais, ça aurait été cool. Mais personne ne lui a demandé son avis et, maintenant, elle n’est pas plus avancée qu’avant sur le rôle de l’unité dans tout ce bordel.
De l’index, Klara désigne l’intérieur de la villa. « Pour un humain, il y a pas mal d’odeurs assez contradictoires dans cette baraque. » Celle du loup, ce qui est assez logique au final. Ce qui est plus surprenant c’est sûrement l’odeur de vampire qui traine en fond. Pas assez prononcé pour prouver qu’un vampire se trouve dans le coin, assez présente pour laisser penser que ce vampire a quand même passé un peu de temps ici. Ou qu’il est venu il y a peu de temps. « T’as l’air d’avoir de drôles de relations quand même. »
Il y a toujours du travail qui nous attend, même lorsqu’on se rapproche du seuil de la mort. Au stade où j’en suis n’importe qui de censé aurait plié bagage pour passer ses derniers jours sur une île à profiter du soleil, ou n’importe quel autre lieu paradisiaque. Sauf que Julian Lodge est assez stupide pour rester à Londres et faire en sorte de respecter ses promesses. J’aurais pu dire à Klara que le temps est écoulé et qu’elle n’aurait pas dû autant traîner à venir me voir mais pourquoi ferais-je une chose pareille ? Je préfère me concentrer sur un problème important à résoudre plutôt que de rester planté là à cogiter sur la fin de mon existence en sirotant un verre de whisky. Et puis maintenant que la machine a été détruite j’ai tous le temps devant moi, enfin tous le temps qu’il me reste du moins, ce qui n’est pas si énorme que cela. C’est donc à une Klara toujours aussi enthousiaste que dans mes souvenirs que je viens ouvrir la porte, la saluant en retour avant de l’inviter à entrer.
« Oh vraiment ? Je ne l’avais pas remarqué depuis ma villa. » Le ton se veut bien évidemment ironique, même si en tant que Lodge je suis bien moins touché que le reste de la population par ces histoires de couvre-feu. L’un des avantages à être riche, c’est qu’on ne nous refuse pas grand-chose, l’Etat a besoin de patrimoines comme le mien pour tenir le coup alors oui, j’ai plus de droits que les autres et j’en profite, ce serait dommage de ne pas le faire. Je referme la porte d’entrée derrière elle, lui laissant le temps de jeter un coup d’œil aux lieux mais visiblement ce sont plus les odeurs que la vue qui l’intriguent. J’hausse les épaules lorsque Klara fais cette remarque à propos de mes drôles de relations. « Je n’aime pas m’ennuyer. » Ce qui est vrai en soit, même si cela n’explique en rien les odeurs présentes.
Quoi qu’il en soit c’est une certaine chance que Logan ne soit pas dans les parages actuellement, le loup est loin d’avoir confiance en la jeune femme et j’aimerais mieux éviter une dispute qui pourrait déraper et causer des morts dans ma villa. Je ne suis pas là pour mettre tout le monde d’accord, je suis seulement là pour aider autant de monde que possible avant ma disparition. « Je ne te fais pas faire le tour, j’imagine que cela ne t’intéresse pas. Suis-moi. » C’est directement vers le sous-sol que je me dirige, là où je pourrais m’occuper de Klara avec le matériel adéquat. Une fois la porte déverrouillée, c’est vers la grande machine qui sert initialement à me traiter que je me dirige. Je ne suis pas du genre à fabriquer des machines unifonction. C’est une vitre en verre qu’on pourrait comparer à un immense couvercle que je soulève pour lui donner accès à la longue table sur laquelle elle devra s’allonger. « Je suppose que tout cela ne t’inspire pas vraiment confiance, mais cette machine va me permettre de localiser la puce. Vois cela comme une sorte d’IRM en beaucoup plus performant et beaucoup moins bruyant. » Le calme a toujours été une notion importante dans mon quotidien.
C’est sur une espèce de clavier que je pianote un peu, mettant en marche la machine qui s’allume, dégageant une petite lumière bleutée. « Lorsque j’aurais trouvé la puce, je m’occuperais de la désactiver en faisant mes trucs de geek. » Ce serait long de lui expliquer clairement comment faire et je ne pense pas qu’elle soit venue pour avoir des explications mais des résultats. Et puis ma manière de procéder risque d’être différente selon le modèle de puce et son emplacement, alors autant se mettre au travail tout de suite plutôt que de se lancer dans des dizaines de suppositions. « Alors, on s’y met ? A moins que tu n’aies quelques questions à poser avant. » Je ne garantis pas de pouvoir répondre à toutes ses questions et honnêtement le mieux serait de se mettre au travail tout de suite, mais c’est elle le cobaye si je puis dire ainsi, alors c’est à elle de choisir quand elle se sent prêt.
Sujet: Adieu petite puce 
Ven 18 Oct - 21:48
