Excuses et remerciements

Excuses et remerciements

Un Rice n’aime pas avoir de dettes, pas même envers sa famille même si ce terme n’existe pas entre nous. Je n’ai peut-être pas de dettes à payer envers Abigaël pour ce qu’elle a fait mais j’ai tout de même des remerciements à lui faire, des excuses également. Je n’ai pas été un frère à la hauteur ces derniers temps, je n’ai pas non plus été un bras droit idéal ni même un vampire qui mérite qu’on s’attarde sur lui. J’ai littéralement sombré et Abigaël a trouvé ce qui serait capable de me ramener. La guerre a déjà failli me rendre fou une fois, mais cette fois ce n’était pas la même chose, ce n’est pas la perte de la bataille qui m’a poussé vers les ténèbres mais la perte d’Hannah. Vais-je revenir sur le droit chemin maintenant qu’elle est de retour dans ma vie ? Je sais juste que je ne peux pas rester cet être pitoyable que je méprise moi-même, alors il va falloir me remettre dans le bain et assez rapidement, car Londres ne m’a pas attendu pour continuer de tourner et il y a des choses qu’il va falloir changer, des problèmes qu’il va falloir régler, des messages qu’il va falloir faire passer. Ethan Rice reprend du service et c’est bien mieux ainsi, ne rien avoir à faire est probablement ce qui pourrait le plus facilement causer ma perte, j’ai besoin d’avoir l’esprit occupé.

C’est au Ruby Palace que je me rends ce soir, sachant de par son planning qu’Abigaël avait plusieurs choses à régler à l’hôtel aujourd’hui, incluant certains problèmes qui engageaient ma part de responsabilités. Abigaël a continué de faire tourner l’affaire toute seule, je ne lui aurais pas été d’un grand soutien de toute façon, mes interventions auraient probablement fait couler l’hôtel plutôt que de le faire perdurer. Ce sont de gros yeux que le réceptionniste me fait lorsqu’il me voit passer les portes de l’hôtel et c’est peu sûr de lui qu’il vient se présenter à moi. « Monsieur Rice, je… peux vous aider ? » C’est le hall d’entrée que je scanne du regard avant d’enfin considérer l’homme qui me fait face. « Si vous pouviez m’indiquer où se trouve Abigaël, alors vous me seriez utile. » Il a l’air d’hésiter et finalement c’est plus agaçant qu’autre chose, le problème c’est que les vampires ne veulent pas faire ce genre de métier mais les humains ne sont pas à la hauteur à mon goût. « J’attends.[/b][/color] » Et là je le vois littéralement se décomposer, tout compte fait cela en devient amusant. « Abigaël… Euh mademoiselle Rice est encore en réunion avec l’équipe de… » Je ne lui laisse pas le temps d’aller au bout de sa phrase que je le coupe déjà. « Parfait ! Je sais donc où elle se trouve, merci bien. » Je le dépasse et le pauvre humain a l’air de vouloir me dire quelque chose, comme quoi Abigaël n’aime pas spécialement être interrompue au milieu d’une réunion mais ce n’est pas comme s’il pouvait m’empêcher d’aller où bon me semble dans mon propre hôtel. A croire qu’ils sont plus effrayés par Abigaël que ma propre personne, même si le frère que je suis est forcément fier de sa petite sœur, j’ai tout de même un égo à défendre.

C’est d’abord par le bar que je passe, demandant au barman de me servir deux verres de whisky, chacun avec une double dose. Le barman semble ravi de mon retour mais la longue conversation autour d’un verre sera pour plus tard, j’ai d’abord une petite sœur à retrouver. C’est avec un verre dans chaque main que j’entre dans la salle de réunion, les interrompant au beau milieu de quelque chose visiblement. « Bien le bonsoir. » Tous les regards sont posés sur moi tandis que je contourne la longue table pour rejoindre ma sœur, déposant un verre devant elle et conservant le second. Les autres ne sont pas invités à boire, autrement ils ne sont pas invités à rester. « Si vous voulez bien nous excuser, le reste de la réunion est reportée à une autre fois, si du moins Abigaël est d’accord avec cette demande. » Lui demander son accord, c’est surtout pour lui prouver ma reconnaissance et lui faire comprendre que je ne suis pas là pour reprendre les rennes et la laisser dans l’ombre, jamais de la vie. Si Abigaël n’est pas d’accord avec cette décision, je l’attendrais probablement au bar en dégustant ma boisson.

Tout le monde attend la réponse d’Abigaël avant de disparaître des lieux, la laissant maîtresse de la situation. La salle se vide et la porte se referme derrière le dernier employé, nous laissant en tête à tête Abigaël et moi. « Je me devais au moins de t’offrir un verre. » Dois-je préciser pourquoi ? Je ne pense qu’elle en ait besoin pour savoir où je veux en venir, cela se constate ne serait-ce que par les vêtements propres et bien repassés que je porte. « Je ne sais pas exactement par quoi je dois commencer, des excuses ou des remerciements ? » Après tout, les choses ne se sont pas spécialement bien terminées entre Abigaël et moi et ensuite il y a eu la guerre qui a réclamé la plupart de mon attention et je ne me suis pas mieux comporté une fois celle-ci terminée. « Tu dois probablement en avoir assez d’entendre tes frères s’excuser à tour de rôle parce qu’ils t’ont blessés. » Le problème n’est pas tant de nous excuser une fois, le problème c’est qu’on recommence toujours à se blesser les uns les autres. Les Rice passeront toujours en premier et pourtant les Rice sont aussi ceux qui se détruisent le mieux entre eux.

C’est le siège vide à la gauche d’Abigaël que je viens emprunter pour m’installer, ma main s’amuse à faire tournoyer le whisky dans mon verre mais je ne le porte toujours pas à mes lèvres. Probablement ai-je eu ma dose d’alcool durant cette mauvaise période, néanmoins on sait tous que je ne me passerais jamais vraiment de whisky, ce serait comme retirer une caractéristique à un Rice. « Comment as-tu su ? » La question concerne le retour d’Hannah à Londres. Abigaël aurait dû être la première satisfaite de son départ et pourtant c’est elle qui l’a faite revenir.

Excuses et remerciements

Sortir du manoir est bien plus revigorant que je ne l’aurais cru. Fort heureusement ce n’est pas à l’hôtel que j’ai sombré, autrement j’aurais fait fuir la clientèle et Abigaël m’en aurait sûrement voulu de tout gâcher par mon comportement. Non au lieu de cela je suis retourné au manoir puisque tout le monde semblait l’avoir déserté, il faut dire qu’après une première attaque des hommes en noirs plus personne n’avait réellement envie de remettre les pieds là-bas. Je crois qu’une part de moi attendait sûrement que ces hommes viennent frapper à cette porte, mais ils ne sont jamais venus, pas même ce petit chef qui doit rêver de vengeance depuis son humiliation. Peut-être ne s’en est-il jamais remis ? Tant pis pour lui.

C’est mon regard qui vient scanner la salle de réunion d’un air satisfait au moment où Abigaël affirme qu’interrompre les réunions ne l’aidera pas à mieux faire tourner cet endroit. « De ce je constate tu t’en sors à merveille. Et je suis sûr que tu n’es pas mécontente que cette réunion prenne fin avant l’heure, cela peut vite devenir barbant. » Je sais de quoi je parle pour en avoir déjà fait les frais, c’est franchement la partie la moins intéressante du métier. Peut-être qu’on devrait engager quelqu’un à qui reléguer toutes les tâches ingrates ? Ce ne serait pas très fairplay mais tellement allégeant pour nos plannings. Cela dit mon planning est plutôt vide ces derniers temps, alors il va falloir que je songe sérieusement à le remplir et de la bonne façon.

Mais pour l’heure ce sont des excuses que je fournis à Abigaël ou du moins ce qui y ressemble, je me dis que finalement elle ne doit plus tellement croire à ces excuses à force, ses frères passent leur temps à lui demander pardon avant de se comporter mal à nouveau. La famille Rice ne tourne pas réellement comme sur des roulettes depuis nos retrouvailles et c’est fort dommage, mais même quand les choses vont mal, même si on prétend tous avoir changé, on se connaît suffisamment les uns les autres pour savoir comment s’entraider. Abigaël a su comment me faire remonter la pente en ramenant Hannah en ville et si une telle action m’aurait moins étonné de la part d’Hayden, j’admets être assez surpris que cela vienne de ma petite sœur alors qu’elle n’a jamais porté la sorcière dans son cœur.

La réponse d’Abigaël est pertinente, si elle est parvenue à deviner la source de mes malheurs, j’aurais dû le deviner également. Peut-être l’avais-je deviné, peut-être n’étais-je simplement pas prêt à revenir en arrière alors que je voulais croire que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire. Je ne prends pas toujours les bonnes décisions Abigaël mais je suis du genre à assumer mes choix, j’ai voulu assumer le fait d’avoir envoyé Hannah loin de moi et de ce fait il m’était inconcevable d’aller la chercher. Abigaël s’excuse d’avoir agi dans mon dos et c’est un sourire amusé qui se forme sur mes lèvres lorsqu’elle insinue qu’il me fallait bien quelqu’un pour repasser mes chemises. Je reconnais bien là ma petite sœur dans ses moqueries. « Crois-moi tu serais surprise des facultés d’Hannah à repasser une chemise. » Le ton est ironique, un brin moqueur, la jeune sorcière est indépendante pour beaucoup de choses mais très franchement je ne pense pas qu’elle puisse avoir la patience requise pour faire du repassage, qui plus est pour repasser des chemises.

L’humour laisse cependant rapidement place au sérieux lorsqu’Abigaël me demande comment je vais et ce sont mes doigts qui tapotent doucement contre mon verre remplis avant que je ne finisse par lui répondre. « Mieux. » Ce n’est peut-être pas une réponse tout à fait satisfaisante mais c’est une réponse honnête. Je ne peux pas prétendre aller à merveille maintenant qu’Hannah est revenue, ce serait faux, j’ai encore beaucoup de choses à entreprendre et arranger dans ma vie pour que les choses puissent commencer à être mieux, mais c’est un début. « J’ai eu le temps de songer à beaucoup de choses ces dernières semaines, à tout ce qui a été fait, à tout ce qui a été mal fait et de nouvelles idées ont commencées à émerger dans mon esprit. » Des idées plus farfelues que d’autres, je veux bien le reconnaître et si certaines sont encore à peaufinées, d’autres pourraient nous apporter de grandes choses.

« Londres va mal depuis la guerre et je ne peux pas laisser ma ville natale s’enfoncer de cette façon. » Je ne laisserais ni les loups ni les humains l’emporter sur nous. Hayden tient à merveille le Centre, Alex s’en sort également très bien avec le Nord et le Sud mais il me manque quelque chose, je pourrais apporter plus aux vampires, apporter plus à mon clan et à notre famille. « Cette année va avoir lieu les nouvelles élections municipale de Londres. » Vois-tu où je veux en venir, petite sœur ? La politique je connais bien après tout et manipuler mon monde à travers les médias serait d’une facilité sans nom. Imagine un peu, Ethan Rice, nouveau maire de la ville, imagine tous les changements que cela impliquerait pour nous. « J’ai l’intention de m’y présenter. » Et quand bien même je ne sois jamais élu, l’idée principale est avant tout de faire réagir les hommes en noirs pour qu’ils commettent des erreurs.

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Abigaël est la première personne avec qui j’évoque mon idée de me présenter aux prochaines élections municipales. Je vois bien qu’elle cherche dans mon regard la moindre indication qui impliquerait une mauvaise plaisanterie mais ce n’est pas le cas, elle y trouve au contraire une affirmation, ce ne qui ne semble d’ailleurs pas tout à fait lui convenir mais Abigaël le sait bien, quand j’ai une idée derrière la tête rien ni personne ne peut me faire changer d’avis. A défaut de vouloir me convaincre d’abandonner cette idée saugrenue, elle me met en garde des risques encourus que je connais déjà. « L’idée n’est pas de remporter les élections mais de leur prouver que même un vampire peut avoir ses chances. » L’idée c’est de leur faire peur, de retourner l’opinion publique contre eux et de me servir de leur meilleure arme à mon avantage : les médias. L’Etat a peut-être inventé la propagande mais aucun virus n’est plus destructeur que la vérité qui éclate au grand jour, surtout avec des preuves à l’appui. Je ne veux pas être élu pour un quelconque programme mis en place, je veux être élu car après avoir mis à terre un à un tous mes opposants, je serais aux yeux de tous le meilleur choix qui s’offre. Voilà qu’elle serait la plus belle victoire d’un vampire.

C’est finalement de l’unité 101 dont il est question, il fallait bien que le sujet soit posé sur la table. Abigaël semble en savoir beaucoup les concernant, bien plus que les autres Rice en tous cas et évidemment je ne serais jamais contre le partage de quelques informations, mais je laisse le soin à ma petite sœur de choisir ce qu’elle accepte de me confier ou non. « Si je me présente ce n’est pas pour attirer les foudres de quelconques militaires mais bien de l’unité. Ce sont eux qui tirent les ficelles et je préfère viser directement le marionnettiste plutôt que son armée de marionnettes. » Car ces hommes en noirs viendront forcément frapper à ma porte et ils tomberont les uns derrière les autres, mais ils seront aussi remplaçables. Ce que je veux ? Avoir le boss et jusqu’à présent le petit Chef que j’ai eu l’occasion d’affronter est celui qui s’en rapproche le plus parmi ceux dont j’ai pu croiser la route, alors c’est lui que je ferais tomber en premier pour pousser le boss à faire des erreurs et se révéler.

C’est mon sourcil qui se redresse lorsqu’Abigaël évoque une machine capable de tuer tous les vampires dans un certain rayon, juste comme cela, en appuyant sur un bouton ou quelque chose de tout aussi simple. Mais ce que je retiens le plus dans cette formulation, c’est qu’elle parle de cette histoire au passé, il n’y a donc plus de raisons de s’inquiéter à propos de cette machine, n’est-ce pas ? « Je te promets de ne pas les sous-estimer. » Ce ne serait pas mon genre de sous-estimer l’ennemi de toute façon, quand bien même il se trouve qu’il s’agisse d’humains que j’ai toujours considéré comme une race inférieure à celle des vampires. Une opinion qu’Abigaël semblait d’ailleurs partager avant de rencontrer cet humain malade.

Ma main finit par délaisser ce verre de whisky duquel je n’aurais finalement pas toucher à une goutte et mon regard vient croiser celui de ma petite sœur lorsqu’elle semble avoir une question sérieuse à poser. J’attends la suite et elle commence à évoquer un fratre mort sur lequel elle voudrait obtenir des informations. Un fratre du nom de John Monroe. Il y a bien une lueur de surprise qui traverse mon regard le temps d’une courte seconde. Si j’ai forcé le fratre à quitter la ville, il est aussi l’une des rares personnes à être parvenues à échapper à la surveillance de mes Oisillons alors oui, entendre qu’il n’est plus de ce monde est une réelle surprise. « J’imagine que tu ne me répondras pas si je te demande pourquoi. » Autrement elle m’aurait déjà expliqué la situation. « Mais peut-être que je pourrais davantage t’aider si j’avais un peu plus d’indications sur le type d’informations qui t’intéresse. » Car des informations au sujet de cet homme j’en ai plus d’une, mais je ne vois pas vraiment ce qui pourrait intéresser Abigaël dans ce que je possède.

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John Monroe, je ne pensais pas réentendre ce nom, à moins que ce ne soit de la bouche de Milla. Que ce soit Abigaël qui m’en parle ? C’est tout de même assez étrange pour m’interroger sur le sujet, sauf que je me doute pertinemment que ma petite sœur ne m’expliquera pas pourquoi elle désire connaître ces informations. Néanmoins va bien falloir que j’en sache un peu sur les informations qu’elle souhaite obtenir à son sujet, car des données j’en ai plus d’une concernant ce fratre alors autant aller droit au but en me disant ce qu’elle recherche. « Disons que ce serait dommage de passer à côté d’une information cruciale juste parce que je ne sais pas ce que tu cherches. » Je ne peux pas offrir mieux à Abigaël comme réponse pour justifier mon interrogation, l’idée n’est pas tant de m’immiscer dans ses recherches mais de pouvoir l’aider au mieux.

C’est là qu’elle se demande comment je connais ce fratre et pour être honnête je n’ai pas l’intention de lui cacher la vérité, j’essaie de faire des efforts pour renouer avec ma sœur après tout et ce n’est pas en la laissant à l’écart que j’y arriverais. Sauf qu’une fois de plus Abigaël me surprend en faisant le rapprochement d’elle-même avec Milla et à ce moment-là mes sourcils se froncent légèrement. A quel moment Abigaël a-t-elle pu faire le lien avec Milla alors qu’elle semble tout ignorer au sujet de ce fratre ? « Un fratre et un vampire ne peuvent pas côtoyer les mêmes personnes, en l’occurrence la connaissance commune est effectivement Milla. J’ai fait en sorte d’être suffisamment convainquant pour le faire quitter la ville. » Et convainquant j’ai su l’être en lui offrant sa vengeance sur un plateau d’argent, en échange de quoi il ne devait plus remettre les pieds à Londres. Le deal avait été respecté et si j’ai cherché à le garder sous surveillance quelques temps, John aura finalement échappé à mes radars.

C’est un sourire qui finit par se dessiner sur mes lèvres lorsqu’Abigaël commence à s’interroger sur le pourquoi j’ai pu laisser un fratre vivant et je me retrouve à hausser les épaules avant de lui répondre. « Disons simplement qu’il n’était pas un fratre ordinaire. » Est-ce que ce sera suffisant pour Abigaël ? Probablement pas. « J’ai vu le soldat avant de voir le fratre et étrangement il m’a rappelé l’un de mes confrères. » John Monroe n’est pas le seul à avoir participé à une guerre après tout. « J’ai passé un deal avec lui et tant qu’il était respecté des deux côtés je n’avais pas de problème avec le fait de le laisser en vie. » Et on pourra reprocher bien des choses aux fratres, mais je peux bien leur reconnaître que lorsqu’ils donnent leur parole, ils la respectent, peu importe que cela leur plaise ou non, ils ont un code d’honneur à respecter. Mon but était d’éloigner John de Milla et j’y suis parvenu en lui offrant ce qu’il désirait le plus, c’est ainsi que j’obtiens des Oisillons en général, mais John n’aurait jamais pu correspondre à un tel rôle.

« Rafaël Delmonte, c’est sa véritable identité. Je ne sais pas cela te sera utile dans tes recherches mais c’est un début je suppose. » Mais quelque chose me dit qu’un nom ou un autre ne changera pas grand-chose à ce qu’elle veut savoir, n’est-ce pas ? Quelque chose semble te perturber à propos de cet homme, quelque chose d’important. « Toujours pas envie de me donner des indications ? Ce serait plus simple pour orienter mes réponses. » Et des réponses je peux probablement lui en offrir plus qu’elle ne le penserait, mais c’est toujours plus intéressant de révéler des informations lorsqu’on sait dans quel but elles pourraient être utiles. J’ai du mal à comprendre le lien entre Abigaël et John, du mal à deviner pourquoi des informations au sujet d’un mort sont susceptibles de l’intéresser mais si elle est prête à me donner davantage d’indications, c’est que le sujet est important. « Ou peut-être même pour offrir une solution à ton problème. » On est censé se faire confiance, non ? A toi de voir à quel point tu veux m’inclure dans cette nouvelle affaire.

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Que me caches-tu, Abigaël ? Le sujet semble suffisamment important pour que tu cherches à obtenir des informations mais tu refuses de laisser passer le moindre indice sur les raisons de ces recherches et c’est assez rare pour être soulevé. Sauf que je ne peux pas lui reprocher de garder le silence alors que je suis le premier de nous deux à avoir agi de la sorte sur bien des sujets et je ne tiens pas à me disputer à nouveau avec ma sœur, je commence à être las de toutes ces querelles familiales. Alors je n’insiste pas pour l’instant, me contente d’acquiescer même si je sais au fond que je ne pourrais m’empêcher d’enquêter pour en découvrir davantage sur cette histoire, c’est plus fort que moi, il y a des choses qu’on ne maîtrise pas. En l’occurrence je ne maîtrise pas mon besoin de connaissance et puisqu’Abigaël poursuivra forcément ses recherches de son côté, je me dis que je finirais bien par découvrir ce qu’elle me cache d’une façon ou d’une autre.

C’est lorsqu’elle me parle d’une histoire en train de refaire surface que mon regard se relève pour croiser le sien. Que se passe-t-il encore, Abigaël ? C’est déjà assez surprenant que tu cherches à obtenir des informations sur ce fratre et maintenant tu évoques une histoire qui risque de poser problème pour la famille. Je ne suis pas certain d’apprécier la suite. « Et peut-on savoir de quelle histoire il s’agit ? » Car si Abigaël évoque la menace, c’est qu’elle a forcément l’intention de donner quelques informations à ce sujet, les mises en garde ne sont pas utiles sans un minimum de détails derrière. C’est là qu’Abigaël évoque sa transformation et si elle reste on ne peut plus calme, je ressens pourtant qu’un lourd passé se cache entre elle et ce Créateur possessif. Quelque chose me dit que je ne vais pas apprécier cet homme. En fait c’est même une certitude.

Abigaël a peur. Elle ne le montre pas, elle ne le dit pas mais c’est pourtant bien de la crainte qui se dégage d’elle à cet instant. De la crainte pour elle ou pour nous ? Peut-être bien les deux. C’est lorsqu’Abigaël évoque une solution qui ne semble pas lui convenir que je la coupe. « Si ta solution est de quitter Londres, laisse-moi te dire qu’elle est mauvaise. » Peut-être que la fuite n’est pas la solution qu’elle a en tête, mais à cet instant c’est celle qui me paraît la plus plausible. « Si j’étais à sa place je ne perdrais pas mon temps à te courir après alors que j’ai un moyen de te faire rappliquer sur-le-champ en m’en prenant à ta famille. » Je ne cherche pas à l’inquiéter quant à ce qu’il pourrait nous arriver, j’essaie seulement de réfléchir de manière stratégique en me mettant à la place de l’ennemi. Qu’il ait cent ans ou trois cent ans, toute la difficulté résidera dans la stratégie employée par l’adversaire. Alex Blackwood est la preuve même qu’un vampire de cinquante ans peut détrôner un roi de plus de cinq cent ans, le tout sans que personne ne soit au courant de quoi que ce soit, ou presque.

« Les Rice peuvent tout affronter tant qu’ils sont unis. » C’est en étant unis que nous avons traversé toutes les épreuves dans notre vie humaine, c’est de la même façon que nous terrasserons les menaces qui nous feront face en tant que vampires. Il est grand temps que les Rice se réunissent, ou presque tous les Rice car il y aura toujours une incompatibilité certaine à agir en accord avec Bastian. « Je n’ai pas été présent pour te soutenir lorsque tu en as eu besoin. » Et je parle de sa transformation et de son lien avec ce Créateur possessif. Evidemment je le vis comme une défaite, mais je ne suis pas du genre à rester sur des échecs. « Mais je suis là à présent. » Et j’ai bon espoir qu’Hayden revienne aussi, il ne peut pas abandonner le Centre de toute façon. « Et si ce Créateur doit arriver en ville, je l’accueillerai comme il se doit. » Ma manière de promettre à Abigaël que je n’irai pas chercher ce Créateur, mais comme elle l’a précisé, avec tout ce qu’il se passe à Londres il va forcément savoir où la trouver, sans doute le sait-il même déjà à l’heure actuelle. Quoi qu’il en soit à partir du moment où ce vampire mettra les pieds en ville, j’en ferais une affaire personnelle. « Souviens-toi d’une chose, les Rice ne craignent pas les autres, ce sont les autres qui craignent les Rice. » Et peut-être est-ce prétentieux mais il n’y a qu’en croyant en soi qu’on monte les échelons dans ce monde. Je ne veux pas qu’Abiaël doute. Je ne veux pas qu’Abigaël ait peur. Je veux que le jour où elle croisera son Créateur, elle puisse lever son majeur en le regardant droit dans les yeux, avec toute l’assurance dont elle sait habituellement faire preuve.