Ethan Rice

La vie est un jeu grandeur nature, il suffit juste de savoir abattre ses cartes au bon moment et s’il se trouve que votre main est pitoyable, alors vous jouez au bluff. Peu importe ses cartes, il y a toujours une façon de l’emporter.

- Darling, joue-nous un peu de musique veux-tu ? J’aimerais que ce soit... Funeste.

La servante entame une symphonie de Beethoven au violon sans en avoir le choix, contrôlée par mes dons d’hypnose. Un sourire se dessine sur mon visage quand je viens me glisser dans le dos d’Anya, déposant un baiser sur son cou en regardant sa mère agenouillée devant nous, blessée et avec ce poison dans les veines qui l’empêche d’user de sa magie contre nous.

- Eléanor vous tuera tous les deux.

J’éclate de rire face à cette menace.

- Tu entends, ma reine ? Ta mère est persuadée que ta charmante petite sœur causera notre perte. Doit-on lui dire ?

- Dis-lui mon amour.

Je me défais du dos d’Anya, marchant mains dans le dos vers la table à manger pour m’emparer du couteau qui servait à découper la viande.

- Eléanor est occupée à se débattre avec un jeune vampire, vous savez, l’homme qu’elle était censée épouser. Comment s’appelle-t-il déjà ? Je jette un regard vers Anya qui hausse les épaules. Peu importe, il ne sera bientôt plus de ce monde. Oh et n’espérez que les sorcières vous viennent en aide, elles ont quelques petits soucis à gérer. J’arrive dans son dos, couteau en main avant de me pencher pour murmurer ces mots à son oreille. Il semblerait qu’un groupe de vampires ait localisé l’école des jeunes sorcières.

Anya rit de bon cœur avec moi. J’avais promis à mon adorée de lui obtenir vengeance et ce soir, enfin, elle aura ce qu’elle convoitait tant. Enfoncer ce couteau moi-même dans son cœur est particulièrement tentant, mais au lieu de ça je me redresse et tends le couteau à Anya en la regardant.

- A toi l’honneur ma bien aimée.

Il y aura eu deux femmes dans la famille Johnson à enterrer cette nuit-là, sans compter les dommages collatéraux : la mère, morte dans d’atroces souffrances après une lente agonie et Anya Johnson, morte des mains de sa sœur. J’y ai perdu le peu de cœur qu’il me restait cette nuit-là avec elle, cette femme qui était tout pour moi, ma créatrice, ma partenaire, ma bien aimée. La vie n’a plus jamais eu la même saveur sans elle et pourtant je me suis accroché à cette promesse que je lui ai faite en la serrant dans mes bras, juste avant qu’elle ne lâche son dernier souffle : je réduirai en cendres la totalité de la famille Johnson. Tu m’as légué une haine viscérale envers tes proches Anya et j’ai tout fait pour être à la hauteur de cet héritage.


Les festivités vont bon train à cette période de l’année. La musique s’entend dans toutes les rues de Madrid, tout le monde danse, rit, boit et fait la fête. Une agréable vue de la débauche des espagnols s’offre à moi depuis la villa que j’occupe.

- Monsieur Rice, votre paquet est arrivé.

Un sourire orne mon visage lorsque je quitte de vue la ville pour me retourner vers mon paquet finement emballé. Eléanor Johnson, vêtue de sa robe beige, est traînée jusqu’à moi par deux vampires à ma charge. Ils la poussent face à moi et quel exquis tableau de l’avoir ainsi agenouillée devant son pire ennemi.

- Laissez-nous.

Tout le monde quitte la villa, ne laissant plus qu’Eléanor, moi et ces 1000 mètres carré d’espace de jeu. Oh je me suis bien amusé à repeindre les murs en rouge, pas tous malheureusement, il n’y avait pas assez de sang dans le corps de la petite sorcière pour ça. Les feux d’artifice explosent dans le ciel au moment où je m’installe sur le canapé blanc pour observer mon œuvre. Tu es si belle maintenant Eléanor, un tableau à jamais immortalisé dans la mort. Assise sur cette chaise en bois, le regard ouvert vers l’horizon, on pourrait presque croire que tu poses pour un magazine s’il n’y avait pas ton cœur arraché de ta poitrine posé entre mains, sur tes genoux, telle Eve proposant la pomme rouge à Adam. Elle possède des ailes aussi, la belle Eléanor, son dos incisé en une ligne parfaite en son centre, son cartilage costal écarté d’un côté et de l’autre, lui donnant cette fière allure d’ange déchu. Un verre de Rhum en main, j’admire ma dernière toile en pensant bien évidemment à elle.

- C’est pour toi mon amour.


L’air est humide ici, ça respire la transpiration et le sang. Leur transpiration mais mon sang. L’un des Fratres appuie sa croix bénite au centre de mon torse, voulant poser sur moi la marque de Dieu parce qu’ils me savent très bien sans la moindre croyance. Lorsqu’on est déjà mort on ne croit plus qu’en la faucheuse.

- Tu veux savoir de quoi il s’agit, monstre ? Les pouvoirs de ce médaillon sont capables de te faire révéler tout ce qu’il nous faut. Alors maintenant tu vas nous offrir le nom de ton roi ainsi que sa localisation et tes souffrances prendront fin.

- Tic-tac. Je prononce ces mots dans un faible murmure.

- Qu’est-ce que tu dis ?

- Tic-tac, c’est le bruit du temps qui court. Vous l’entendez ? Votre fin est proche mes amis.

Une épée s’enfonce dans mon estomac en guise de réponse alors que l’un d’entre eux se demande pourquoi je n’ai pas parlé. Je grogne. Je ris. Ils me prennent pour un fou mais peuvent-ils eux-mêmes se considérer comme sensé lorsqu’ils tuent pour un Dieu qui ne leur a en réalité rien demandé ? Je crache du sang avant de relever la tête vers eux.

- Vous voulez la vérité ? Voilà ce qu’il va se passer. Lorsque la cloche sonnera minuit elle déclenchera un explosif qui aura de quoi attirer l’attention de vos gardes. L’humanité avant tout, c’est bien ça ? Ensuite des hommes à moi entreront et tueront le reste de vos hommes, incluant vous. Et moi je repartirai avec ce pour quoi je suis venu.

Je termine tout juste mes explications que la cloche se met à sonner et tout ce que je lui ai expliqué se déroule exactement comme selon mon plan. Mes hommes me libèrent et malgré la douleur je m’avance d’un pas assuré vers l’un des Fratres agonisant, posant mon pied sur son torse pour l’empêcher de se redresser.

- Je t’ai entendu te poser la question dans ta petite tête, et si tu veux tout savoir la sorcellerie est mon rayon. Je sais par exemple que l’aconit contre les pouvoirs de ce médaillon, fascinant n’est-ce pas ? Quel fou aurait l’idée d’avaler de l’aconit pour éviter ça ?

L’une des rares plantes dangereuses quelque soit l’espèce, elle tue les humains mais fait aussi de graves dégâts sur les loups et les vampires. Je crache à nouveau du sang bien plus noir que rouge avant de me pencher par-dessus le Fratre pour lui arracher le médaillon des mains.

- Merci de me l’avoir apporté.

Je termine ma phrase en venant planter mes canines dans sa gorge, m’abreuvant de son élixir au point de ne plus en laisser une goutte, au point que sa nuque cède entre mes mains pour voir rouler sa tête par terre. Les humains sont une espèce si fragile...


Monaco, quel merveilleux endroit pour passer une lune de miel. Je ne pense pas qu’elle avait prévu que tout se terminerait aussi dramatiquement pour elle. Elle court le long de la plage déserte à cette heure de la nuit, tombant dans le sable à cause de ses blessures qui la vident de son énergie, mais elle est téméraire la belle enfant et se relève, continuant de courir en appelant à l’aide. Son mari est déjà mort, flottant dans la piscine de leur villa qui est joliment teintée de rouge et de boyaux. Je marche tranquillement pour la rejoindre, on sait tous les deux que dans son état elle n’ira pas bien loin, et même au mieux de sa forme je garde un avantage de rapidité.

- Vous les Johnson êtes comme une mauvaise herbe qui repousse sans cesse. Je pensais pourtant en avoir terminé avec Eléanor mais on dirait qu’elle avait envie de m’offrir un dernier cadeau.

Je l’attrape par les cheveux et la tire en arrière pour mieux voir son visage alors qu’elle gémit de douleur.

- Voilà tout ce dont est capable une fille Johnson ? Tes prédécesseurs m’avaient habitué à mieux.

La pauvre enfant n’a pas le temps de répondre que je déchire sa chair de ma main, lui arrachant littéralement la colonne vertébrale de son dos. Je profite de la vue de cette dernière larme qui coule sur son visage torturé avant de laisser son cadavre rejoindre le sable. La plage est un merveilleux endroit pour créer une nouvelle toile. Entre l’eau et la terre elle sera parfaite.


Je suis en plein dîner d’affaire à Tokyo, il se trouve qu’un clan japonais serait en possession d’une arme magique que je recherche. Ces hommes ne sont vraiment pas faciles en affaire mais j’aime bien trop leur culture pour juste me contenter de les menacer et avoir ce que je veux de la sorte, en les rabaissant. Non j’aime voir jusqu’où ils sont prêts à aller en affaire et je l’aurais su si l’un de mes oiseaux ne m’avait pas interrompu.

- Monsieur Rice je... Je crois qu’il faudrait que nous parlions en privé.

- Allons tu peux absolument tout dire devant ces hommes.

- C’est... A propos de Sire Nikolaï, il a été tué ainsi que son bras droit.

- Qui le remplace ?

- Sire Alex Blackwood, monsieur.

Un sourire se dessine sur mon visage.

- Evidemment.

- Monsieur je crois qu’il y a autre chose que vous aimeriez savoir...

Je dois me tourner vers lui et insister du regard pour qu’il finisse par accepter de m’offrir cette fameuse information. Il hésite en regardant les autres hommes mais se décide à parler.

- Hannah Johnson se trouve à Londres.

Finalement ils l’auront trouvé, la dernière descendante de la famille Johnson. Je reste immobile quelques secondes, pensif. Puis finalement je me lève de table et me mets à assassiner chaque homme et chaque femme de ce restaurant un par un. Plus de sang gicle que de balles n’ont le temps d’être tirées. Je brise des nuques, arrache des cœurs, bois leur sang, enfonce des pieds de chaise dans leur œil… Un véritable massacre. Lorsque le silence revient et que les morts nous entourent il ne reste plus que mon oisillon et moi-même au centre de la pièce, complètement couvert de sang.

- Il est temps de rentrer à la maison. Je veux que des hommes me trouvent l’arme que j’étais venu négocier.