Retour imprévu attendu

Retour imprévu attendu

Elle fronce les sourcils. Pourquoi est-ce qu’elle aurait peur de lui ? À peine le temps de se poser cette question mentalement que beaucoup de réponses se bousculent dans son esprit. Hannah pourrait faire une liste assez conséquente des raisons d’avoir peur d’Ethan. Il y a des choses pires que la mort si jamais il n’est pas capable de mettre fin aux jours de la sorcière, il a déjà été bien plus néfaste pour elle que des personnes ayant réellement eu l’intention de la tuer. Alors pourquoi, quand il apparait soudainement dans son dos, ce n’est pas un frisson d’effroi qui la parcourt ? Les mots se veulent quand même menaçants. Alors soit Hannah est inconsciente, soit elle est justement trop confiante. Des menaces Ethan lui en offert beaucoup. Des sanctions, il en a mis en œuvre tout autant. Le problème c’est qu’elle est revenue de tout cela. Il ne l’a pas tué quand il en avait envie, il ne l’a pas laissé seule quand elle a manqué de mourir à cause de son deuxième nom, elle a fini par être sevrée et elle a quitté la Norvège.

Lui, il est celui qui l’a sorti de toutes les situations dans lesquelles il l’a enfoncé. Elle… Elle est celle qui n’a fait que prévenir Alex après une bourde monumentale, elle n’est pas allée le sortir de cette merde dans laquelle elle l’avait mis. Alors, bien désolée pour lui, mais c’est toujours d’elle qu’Hannah s’inquiète le plus malgré les quelques mots glissés à son oreille. Au moins, pour cette fois, la sorcière fait l’effort de ne pas le provoquer sur le sujet ou mettre en évidence qu’il revient toujours sur ces actions. Elle se contente de tourner la tête, interrogative, en voyant un téléphone arriver dans son champ de vision. Pas le temps de se demander ce qu’elle doit foutre de cela, Ethan lui explique que c’est pour commander un truc à manger. Autant dire qu’elle s’empresse de l’attraper avant qu’il ne change d’avis. Sait-on jamais. « Merci. » Hannah hoche la tête distraitement quand il lui demande de venir quand elle aura passé sa commande.

Il faut attendre qu’elle commande trois pizzas grands-formats – qu’elle pense, à tort, pouvoir manger seule tellement elle a faim – avant de percuter ce qu’Ethan lui a dit avant de quitter la pièce. Besoin de savoir s’il peut compter sur elle ? Putain mais il n’a rien écouté de ce qu’elle lui a dit ! Le jour où il y a des oscars du type le plus chelou, autant dire qu’Ethan remportera le gros lot jusqu’à sa mort sans laisser l’ombre d’une chance à d’autres concurrents. Elle laisse passer un soupir d’exaspération en laissant retomber sa tête avant de sortir à son tour de la cuisine. En passant dans le couloir pour aller jusqu’à salon, c’est sur un autre débris qu’elle marche. « Putain Ethan, c’est vraiment l’bordel ici ! » Au cas où il ne le saurait pas encore. Mais comme c’est peu probable, c’est surtout une façon d’exprimer son ras-le-bol face à son pied qui s’acharne à marcher sur tout ce qu’il ne faut pas. Elle arrive dans le salon, se masse un peu le pied dans un énième soupir avant de s’approcher d’Ethan pour lui tendre son téléphone. « M’faudra des sous aussi ? » Bah quoi, Ethan ne va pas sortir récupérer les pizzas alors qu’il fait jour. « Ou j’le ferais rentrer. » Pour qu’il se fasse hypnotiser, penser être payé, oublie sa livraison et retourne bosser… avant de, probablement, se faire shooter par un camion qu’il ne verra pas arriver à cause de l’hypnose. Tant pis pour lui.

C’est là que son regard tombe sur l’anneau doré qu’il tient dans les mains. Il a dit quoi déjà : avoir besoin d’elle pour une autre décision à prendre ? Avant toutes choses, il faut remettre certaines informations dans leur contexte. 1, impossible d’user de magie dans le manoir. Ça rend compliqué de la détecter aussi. 2, cette putain de bague, Hannah n’y peut rien si elle ressemble à une alliance. 3, n’oublions jamais la capacité incroyable de la sorcière à tout capter de travers. Alors la vue de ce qui ressemble à une alliance avec, en plus, Ethan qui a besoin d’aide pour une décision… Bah, la sorcière, ça l’a fait un peu vriller. « Sérieusement ? » Elle secoue la tête avec des yeux ronds comme des billes, l’air de ne pas y croire. « Tu veux quoi là ? Que je te donne mon avis sur la personne à qui l’offrir ? » elle est partie que depuis deux mois et si Ethan a besoin d’un avis… Bah, ça veut dire qu’il hésite au moins entre deux autres femmes à qui l’offrir cette putain de bague de merde ! Hannah est à côté de ses pompes mais pas assez pour estimer faire partir de l’équation.

Ça l’énerve et ça s’entend dans sa voix, en plus de se voir à son expression. « Tu veux que j’te dise ? Bah choisis celle que tu apprécies l’moins parce que, de toute façon, j’irais lui crever les yeux avant de faire en sorte qu’elle s’étouffe avec c’tte bague ! » Puis elle s’occupera de l’autre, ou des autres, par la suite. Non mais ça va quoi. Ils ne peuvent pas passer une nuit pareille ensemble pour, ensuite, venir apprendre qu’il y a d’autres femmes dans l’équation. Personne ne le voit, mais il ne faut pas se leurrer, il y a bien écrit « propriété Johnson » sur Ethan. Et ouais ! Hannah se met à croiser les bras, en mode gamine qui boude. « De toute façon, elle est moche. » La bague, pas l’autre femme. Quoique, l’autre femme aussi. Forcément.

Retour imprévu attendu

Hein ?! Comment ça, cette bague n’aura pas d’autre porteur que lui ? Hannah fronce légèrement les sourcils avant de comprendre qu’elle vient de faire fausse route. Et merde ! Elle soupire, faussement innocente, dans un haussement d’épaules. « J’suis carrément pas jalouse. » Elle secoue la tête, comme si cet acte aussi débile pouvait la rendre plus crédible. « J’déconnais, c’est tout. » Tout sur son visage indique pourtant le contraire, mais elle se sent déjà assez conne d’avoir tout compris de travers. C’est de sa faute à lui, aussi là. Quelle drôle d’idée de sortir une bague de nulle part pour demander un avis, elle était bien obligée de comprendre de travers. Hannah est en train de chercher comment elle peut justifier cette erreur, comment elle peut se montrer crédible en voulant faire croire qu’elle n’était pas sérieuse. C’est hyper-vexant d’avoir l’impression de s’être dévoilée de cette façon pour une putain de connerie.

Si elle ne sait pas comment se justifier c’est parce que, en temps normal, elle se serait déjà mise à mettre en avant tous les défauts d’Ethan pour lui prouver qu’elle ne peut pas être jalouse pour un type comme lui. Le problème majeur à cette façon de faire c’est que, dans l’immédiat, elle ne lui trouve pas tellement de défaut. Ça finira bien par revenir, il en est bourré. Mais là, Hannah vient de passer deux mois loin de Londres. De lui. Ce n’est clairement pas les défauts d’Ethan qui lui sautent aux yeux. Et puis, mine de rien, Hannah essaie vraiment de faire des efforts, de ne plus réagir sur un coup de tête en disant l’inverse de ce qu’elle pense. Y a des loupés, bien sûr mais elle essaie quand même.

De toute façon, le vampire ne lui laisse pas l’occasion de cogiter trop longtemps. Il se retrouve très rapidement près d’elle. Beaucoup trop proche pour qu’elle arrive à réfléchir correctement quand cette proximité lui apporte bien d’autres pensées. Il aide encore moins quand il vient bloquer une de ses mains contre le mur. Bordel, Hannah n’a même pas envie de protester quand Ethan parle d’appartenance, même si sa fierté l’empêche d’acquiescer. Question de principe. Impossible de détacher son regard du vampire, de résister à l’appel quand il approche son visage de celui de la sorcière. Elle aide à réduire cette distance qui sépare ses lèvres de celles d’Ethan et… Sursaute quand on vient interrompre ce moment en sonnant à la porte.

Reste là. Le bras d’Hannah retombe le long de son corps et elle reste là, sans bouger. Il lui faut deux ou trois secondes pour que son cerveau recommence à s’insurger. Hannah ne va pas rester plantée ici, seulement parce qu’il le demande ! Si elle n’a pas été capable de protester quand il lui a dit qu’elle lui appartenait, elle peut au moins faire un effort sur le reste. Alors, ne l’écoutant, elle part le rejoindre d’un pas décidé. Acte débile par excellence qui tend juste à prouver qu’elle peut faire ce qu’elle veut. Non mais oh ! Bien sûr, c’est Ethan qui lance une réflexion pour lui rappeler ce qu’il lui a demandé. « Non, tu m’as dit de rester là. Ce qui peut s’appliquer à l’ensemble du manoir. Fallait être plus précis. » Elle ne pousse pas le vice jusqu’à lui dire que, en plus, il n’a pas précisé de durée. De toute façon, il est déjà en train de lui demander d’aller récupérer le colis. « Bah faudra savoir ce que tu veux, pff. »

C’est avec une mauvaise volonté feinte, qu’elle traine volontairement des pieds pour aller jusqu’à la porte d’entrée. Une fois ouverte, elle regarde autour d’elle. Personne, juste un carton à ses pieds. « Franchement, c’est exactement ce que je ferais si je voulais te narguer. » Elle se baisse pour ramasser le colis. « Le déposer en pleine journée pour que tu le regardes depuis ta fenêtre en te demandant ce que ça peut être, sans pouvoir aller le chercher. » Un vrai livreur serait resté à la porte pour tenter une remise en main propre. Il est peu probable que quelqu’un dépose un colis ici, sans savoir qui est le propriétaire et quelles est sa nature. Et comme, a priori, on ne peut pas savoir qu’il est avec une humaine – ou sorcière –, Hannah trouve que c’est vraiment fait pour jouer sur la patience du vampire.

Le colis en main, elle entre à nouveau et ferme la porte avec son pied. Hannah va même pour secouer le colis, comme on ferait avec un cadeau pour tenter de deviner ce qu’il se trouve dedans. Elle n’a même pas le temps de l’agiter qu’Ethan vient déjà de lui arracher des mains. Pfff ! « De rien ! » qu’elle lance d’un air blasé, quand elle est la première à ne pas être douée pour la politesse. Et puisqu’elle passe devant, Hannah en profite pour regarder dans le tiroir de la commode dont il lui a parlé un peu plus tôt. Mouais… Elle fera entrer le livreur de pizza. En attendant, c’est Ethan qu’elle vient rejoindre. « Alors, c’est quoi ? » Notons qu’elle fait l’effort surhumain de ne pas demander de qui ça vient avec un air de reproche. Ce n’est déjà pas si mal.

Retour imprévu attendu

« Tu as surtout d’la chance que la sorcière en question soit de bonne humeur. » Et qu’elle soit disposée à aller chercher le colis sans chercher à protester autrement qu’en trainant les pieds. C’est dans ce genre d’action qu’on voit qu’elle vient de passer deux mois loin du vampire, dans le cas contraire elle aurait déjà songé à sortir avec le colis entre les mains. A aller dehors, se pointer devant la fenêtre où se trouve Ethan, et le narguer un peu plus avec le carton mis en évidence. Juste pour le plaisir de voir sa tête exaspérée devant autant de connerie. Sa manière à elle de se venger quand c’est lui qui passe son temps à la saouler, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Elle est bien trop contente de le retrouver pour s’énerver aussi rapidement contre lui… Enfin, elle croit parce que rien n’est impossible quand on s’appelle Ethan Rice.

Ouais… Heureusement qu’elle est de bonne humeur ! Sérieusement, un « merci » ou même attendre qu’elle soit avancée dans le manoir pour récupérer le colis, ça le tuerait ? Faut croire que oui, vu qu’il lui arrache carrément des mains sans rien dire avant de retourner au salon avec le butin qu’ELLE est allée chercher ! Zéro considération. Le temps qu’elle arrive, il a déjà déballé le tout. Elle ne verra même pas ce qui est écrit sur le papier puisque ce dernier vient de finir écrasé dans la main d’Ethan. C’est bien suffisant pour demander de quoi il s’agit. Une menace, voila ce que c’est selon les dires du vampire. Ce qui, en soit, n’est pas très étonnant étant donné la longue liste d’ennemis qu’il peut avoir.

C’est la toile qu’elle attrape pour la regarder alors qu’Ethan parle de la jeunesse des corps et du manque de sens. Elle ne se rend même pas compte de ce qui est en train de se passer. Elle ne se rend même pas compte que, quelques mois plus tôt, Ethan se serait sûrement contenté de refermer le carton à son arrivée en disant que ce n’est rien. Là c’est la petite toile qu’elle a dans les mains et qu’elle se retrouve à hausser les épaules. « Avoir leur jeune n’est pas un indicatif sur l’âge. » Pas dans le monde des vampires. « Cela dit, puisque ça à l’air d’être une scène en plein jour, peut-être que c’est un bon indicatif finalement. ». Parce que bon, elle doute que ça puisse être des loups. Ce n’est pas avec cette espèce qu’il convient de menacer Ethan, ce n’est pas comme s’il les appréciait suffisamment pour s’inquiéter de leurs sorts.

« Après, si tu veux, je peux aller dehors et voir si c’est du sang humain ou non. » Si on exclut les vampire à cause du jour apparent et les loups, il reste deux autres espèces. Humain et sorcière. Si c’est à la deuxième catégorie que ce sang appartient, Hannah peut toujours le savoir avec un léger sort en allant dans le jardin. Mais bon, elle n’y croit pas trop. Les sorcières et Rice, c’est un peu comme avec les loups. Ce n’est pas tellement la race à menacer pour que ça lui fasse quelque chose, en plus de bien aimer l’idée d’être un peu une exception dans tout ça.

C’est la toile qu’elle redonne à Ethan ou qu’elle repose s’il n’en veut pas. « En tout cas, j’aime bien ses chaussures. Même si c’est vexant qu’elle est pu les avoir avant moi, elles ont à peine un mois ces Converses ambush. » Oui bah, désolée, chacun ses centres d’intérêts. Autant Hannah se fiche de mal de choses, surtout quand il est question mode, vêtements, maquillage et toutes ces conneries. Mais les Converses, elle en a toujours aux pieds, elle les aime bien ces chaussures. En tout cas assez pour en reconnaitre sur une petite photo peinte. Une fois qu’on est un peu renseigné sur le sujet, ce modèle n’est pas compliqué à reconnaitre à cause de son écriture jaune sur la semelle arrière de la chaussure. Et ce, même sans distinguer vraiment ce qui est écrit. Quoiqu’il en soit, elle estime qu’on s’en tape un peu des chaussures portées par une fille sur un portrait de dos, ce n’est pas vraiment ce qui va aider Ethan à savoir qui elle est.

« Au moins, il y a des choses qui ne changent pas. Tu as toujours un don pour t’attirer la sympathie des gens autour de toi. » Elle ne sait pas si c’est rassurant. En vrai, elle s’en tape un peu. De toute façon, ce n’est pas tellement comme si elle s’inquiétait pour Ethan. Enfin si. Enfin non. Mais c’est que : à quoi bon s’inquiéter quand, à la fin, il gagne.